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Mgr Tomasi : “Certaines ONG ont parfois un comportement fondamentaliste”

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Corrado Paolucci - aleteia - publié le 08/05/14
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Dans un entretien exclusif accordé à Aleteia, Mgr Tomasi, observateur du Saint-Siège aux Nations-Unies, revient notamment sur les mesures de prévention des abus sur mineurs prises par le Vatican, de nouveau critiquées par l’ONU.

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08/05/2014

Pour la rédaction d’Aleteia, Mgr Silvano Maria Tomasi revient sur l’engagement du Saint-Siège dans la lutte contre les abus sexuels sur mineurs, sur la rencontre du Pape avec le secrétaire général de l’Onu, Ban ki-moon, vendredi 9 mai,  ainsi que sur les critiques  émises sur les positions éthiques du Saint-Siège.
 
Au lendemain de la présentation du rapport du Saint-Siège contre la torture, à Genève, l’observateur permanent du Saint-Siège aux Nations Unies revient sur les questions et critiques qui ont été faites au Vatican quant à sa manière de gérer les agressions sexuelles commises par des membres du clergé à travers le monde, que certaines associations de défense jugent "comparable à de la torture".
 
Aleteia : Le Comité de la Convention contre la torture s’occupe de peines ou de traitements cruels commis et en quelque sorte admis à l’intérieur d’un Etat. Pourquoi, dans le cas des abus sexuels par des membres du clergé, donc liés à l’action personnelle d’individus,  le Vatican est-il mis en cause ?

Mgr Tomasi : Comme d’autres Etats membres de la Convention contre la Torture, le Saint-Siège a présenté son rapport, comme le demande la Convention, qu’il a ratifiée en 2002. Au cours de la rencontre, le Comité a ouvert la porte, pour ainsi dire, à une série de questions sur les abus sexuels commis par des personnes qui travaillent pour l’Eglise, parce que l’article 16 de la convention parle de « traitements cruels, inhumains, ou dégradants ». Les abus sexuels ne sont pas des actes de torture à proprement dit car, selon la définition de l’article 1, il doit être question d’actes commis « par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite ». L’article 16, avec une certaine légitimité, me semble-t-il, permet de parler des abus sexuels sur mineurs en termes d’actes dégradants. D’où les questions soulevées sur la responsabilité de l’Eglise par rapport aux prêtres pédophiles, ou certaines affaires survenues dans différents pays du monde. Mais il s’agit là de comportements inhumains et non de torture, qui supposerait la participation de fonctionnaires de l’Etat, ce que les prêtres ne sont pas.
 
Dans un long éditorial, le Wall Street Journal a pointé du doigt les associations qui, ces jours-ci,  demandent à cor et à cri que les Nations-Unies se prononcent contre le Vatican et contre la ligne qu’elle suit afin de gérer les cas de pédophilie en son sein. En particulier, le Center for Reproductive Rights fait pression pour que les enseignements du Vatican concernant l’interruption de grossesse soient considérés au même titre que « des tortures psychologiques ». Quel est votre avis à ce sujet ?

Mgr Tomasi : Que des représentants de la société civile participent aux activités des Nations Unies me paraît une bonne chose. Malheureusement, certaines de ces organisations non gouvernementales sont un peu fanatiques ou bien adoptent une méthodologie plutôt fermée à une lecture objective de la réalité. Autrement dit, alors que les Nations Unies fonctionnent sur une base démocratique à travers la représentation d’Etats membres, il y a des ONG ou des fonctionnaires qui ont pris d’autres pistes, ne suivant que leurs convictions personnelles, un agenda qui reflète une vision de l’homme fondée sur un individualisme extrême et égoïste. Mais cela ne touche en aucune façon la position juridique du Saint-Siège à l’intérieur des Nations Unies. Je dirais même qu’au cours de ces derniers mois, selon ma petite expérience, ici à Genève, il a rencontré beaucoup de respect et de solidarité de la part des représentants des Etats. Au contraire, les représentants de certaines organisations non gouvernementales ont parfois un comportement fondamentaliste, en ces sens qu’ils ferment les yeux devant l’évidence des faits, devant tout ce qui a été fait et que l’on fait encore vis-à-vis de ces problèmes d’abus sexuels et au changement de culture survenu dans la manière de les traiter. La torture, me semble-t-il, s’applique plutôt à l’enfant qui est tué ou souffre des conséquences. Par ailleurs, essayer d’obliger le Saint-Siège à changer ses convictions serait une violation directe de la liberté d’opinion et de croyance, un droit humain fondamental.
 
Le 9 mai, le pape François et le secrétaire de l’ONU, Ban Ki Moon, se rencontreront. Pouvez-vous anticiper quelques thèmes de leur rencontre ?

Mgr Tomasi : Je ne connais pas bien les détails de cette rencontre. Je sais que le Secrétaire général sera accompagné des directeurs généraux des différentes agences et institutions de l’ONU. La rencontre du Pape  avec les plus hauts représentants de l’ONU est le signe de l’engagement de l’Eglise, comme le dit le Concile Vatican II, à jouer un rôle de premier plan au sein de la communauté internationale, en favorisant tout ce qui renforce la solidarité à l’intérieur de la famille humaine. Le Saint-Siège agit donc dans un sens qui favorise la solidarité entre les pays et entre les personnes, pour la liberté, qui doit être acceptée, au plan des croyances et des opinions, mais également en termes de droit et de participation active dans la vie sociale.

Malgré les critiques de certains groupuscules très «  vocaux », très actifs, qui trouvent une bonne caisse de résonance dans les médias, et résistent ou cherchent à écarter la voix de l’Eglise et celle de la tradition chrétienne, la vérité c’est que les relations entre le Saint-Siège et le monde international sont très bonnes. Je dirais que cette opposition est comme un choc entre deux cultures.

Je pense que c’est cela qui est à l’origine de certaines polémiques, de certaines attitudes face aux positions éthiques du Saint-Siège. Notre lecture de la personne humaine reste fondée sur sa dignité, sur sa capacité à connaître la vérité, une personne créée à l’image de Dieu, en relation avec les autres, pas seulement aux personnes mais à la transcendance aussi. Une autre culture porte au contraire l’individualisme à son extrême, à un individualisme qui cherche à transformer chaque désir en un droit humain, sans tenir compte de la responsabilité des choix que l’on fait, de leurs conséquences sur les autres. La différence entre ces deux anthropologies se répercute dans la vie concrète, dans la mentalité de certaines ONG concernant la position de l’Eglise sur l’avortement – par exemple –  qui est pour nous une forme de torture à l’égard de l’enfant, alors que pour d’autres il est vu comme un simple service de santé sans tenir compte des droits de la personne que l’on élimine. On peut faire le même parallèle avec d’autres questions comme le mariage entre partenaires de même sexe. Certes, dans la culture publique internationale, la seconde alternative est fortement représentée.  Mais il me semble que la force de l’Evangile est toujours neuve. Et ce n’est pas la première fois que la communauté de foi, qui vit ces valeurs issues de l‘Evangile, est appelée à transformer la société et la culture.
 
En 2015 aura lieu la Journée mondiale des familles à Philadelphie. Pensez-vous qu’une intervention du pape François aux Nations Unies est possible ?

Mgr Tomasi : Certes il y a un précédent. Paul VI, Jean Paul II, Benoît XVI, sont passés aux Nations Unies à New York, participant à l’Assemblée Générale et laissant chacun leur message. Il est possible que le pape François suive lui aussi cette tradition mais je ne possède aucune indication en ce sens. On devra tenir compte de ce que le Saint-Siège malgré les difficultés, sent sa responsabilité à participer de manière constructive à la vie internationale.
 
Concernant le problème des abus sexuels, le Saint-Siège envisage-t-il d’autres mesures ? Quel chemin le Vatican compte-t-il suivre ?

Mgr Tomasi : Les mesures déjà été prises à l’Intérieur de l’Etat de la Cité du Vatican concernent les lois  qui ont été modifiées en fonction précisément des demandes de la Convention contre la torture et d’autres traités internationaux. Et ces lois comprennent de manière explicite la punition de crimes comme les abus sexuels sur mineurs. Et puis il y a des nouveautés : la « Commission pour la protection des mineurs », établie par le pape François, est la plus récente. On y voit très clairement la volonté du Saint-Siège, tant au niveau pastoral (comme Eglise universelle) qu’au niveau juridique (comme Cité du Vatican) à encourager toutes ces décisions visant à prévenir la répétition de ces crimes, à punir les coupables et à garantir sérénité et confiance à l’intérieur des institutions gérées par l’Eglise.

Entretien traduit par Isabelle Cousturié

 

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