"Ce n'est qu'à partir de sa relation avec Dieu que l'on peut comprendre Karol Wojtyla". Voici, à quelques jours de la canonisation en 2014 du grand pape polonais, des passages d’une interview de Benoît XVI tirés du livre de Wlodzimierz Redzioch, Aux côtés de Jean-Paul II (Edition Ares), publié à l’occasion de la canonisation du Pape Wojtyla, le 27 avril prochain.
Dans cette longue interview, la première depuis sa renonciation au ministère pétrinien, le Pape émérite réfléchit sur la personnalité et la spiritualité de son prédécesseur et raconte son extraordinaire relation avec le Pape polonais, quand il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. En voici un résumé.
« Saint-Père, vous devriez vous reposer »; et lui : « Je pourrai le faire au ciel ». Dans cet échange entre Jean-Paul II et le cardinal Joseph Ratzinger, qui remonte à la visite du Pape Wojtyla à Munich en 1980, il y a toute l’intensité de la relation entre les deux exceptionnels serviteurs du Seigneur. Dans cette interview accordée par le Pape émérite à Wlodzimierz Redzioch, Benoît XVI se souvient que sa première véritable rencontre avec Karol Wojtyla a eu lieu en 1978 au moment du Conclave. Mais déjà, à Vatican II, ils s’étaient "cherché", travaillant tous deux à la Constitution Gaudium et Spes. « J’ai tout de suite perçu fortement – dit-il ému– la fascination humaine qu’il exerçait et, à la façon dont il priait, j’ai saisi combien il était profondément uni à Dieu."
Théologie de la Libération
Le récit se déplace ensuite quelques années plus tard lorsque, devenu Pape, Jean-Paul II appelle le prélat allemand à figurer parmi ses plus proches collaborateurs comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. « Ma collaboration avec le Saint-Père – se souvient le Pape émérite - a toujours été marquée par l'amitié et l'affection et s’est « développée » sur les deux plans, officiel et privé ».
Lors de leurs innombrables rencontres, confie le Pape émérite, «c’était toujours beau, pour tous les deux, de chercher ensemble la bonne décision » sur les grandes questions de la vie de l’Eglise. Le premier grand défi abordé ensemble, relève-t-il, a été celui de la “Théologie de la Libération ” qui se répandait en Amérique latine. L’opinion commune était « qu’il s’agissait d’un soutien aux pauvres » ; « mais c’était une erreur ». Et il explique : « La pauvreté et les pauvres étaient incontestablement au cœur de la Théologie de la Libération, mais dans une perspective très spécifique ». Il n’était pas « question d’aides et de réformes, disait-on, mais du grand bouleversement, d’où devait jaillir un monde nouveau ».
Ma collaboration avec le Saint-Père a toujours été marquée par l'amitié et l'affection.
Donc, commente Benoît XVI, « la foi chrétienne était utilisée comme moteur de ce mouvement révolutionnaire, et transformée ainsi en une force de type politique ». À « une pareille falsification de la foi chrétienne, il faut s’opposer justement par amour des pauvres et pour leur rendre service ». Et il explique : Jean-Paul II nous a amenés « d’un côté à démasquer une fausse idée de la libération, de l’autre à exposer l’authentique vocation de l’Eglise à la libération de l’homme ». Un autre défi, se souvient-il, consistait en l’ « effort pour parvenir à une juste compréhension de l’œcuménisme » ainsi que le dialogue entre les religions, ou encore le rapport entre l’Eglise et la science.
La sainteté de Karol Wojtyla
Benoît XVI met l’accent sur l’importance des Encycliques de Jean-Paul II, à partir de la première, Redemptor hominis, dans laquelle « il a proposé sa synthèse personnelle de la foi chrétienne ». Puis il s’arrête longuement sur la spiritualité du Bienheureux Wojtyla. Une dimension, souligne-t-il, caractérisée surtout par l’intensité de sa prière, et donc profondément enracinée dans la célébration de la Sainte Eucharistie et faite en communion avec toute l’Eglise ».
Jean-Paul II ne demandait pas d'applaudissements, il n'a jamais regardé autour de lui, inquiet de la façon dont ses décisions seraient acceptées. Il a agi à partir de sa foi et de ses convictions.
Le Pape émérite en vient à évoquer la sainteté de Karol Wojtyla. « Il m’est apparu de plus en plus clairement que Jean-Paul II était un saint », affirme-t-il. Il faut « avant tout garder à l’esprit, naturellement, sa relation intense avec Dieu, cette immersion de son être dans la communion avec le Seigneur ». C’est de là « que venait sa joie, au milieu des grandes fatigues qu’il a dû supporter, et le courage avec lequel il s’est acquitté de sa tâche à une époque vraiment difficile ».
Jean-Paul II « ne demandait pas d'applaudissements, il n'a jamais regardé autour de lui, inquiet de la façon dont ses décisions seraient acceptées. Il a agi à partir de sa foi et de ses convictions, et il était même prêt à subir des coups ». Le « courage de la vérité est à mes yeux un critère de premier ordre de la sainteté. Ce n'est qu'à partir de sa relation avec Dieu que l'on peut comprendre son engagement pastoral inlassable. Il s'est donné avec une radicalité qui ne peut pas s’expliquer autrement ».
Rempli de gratitude
Dans la dernière partie de l’entretien, Benoît XVI rappelle la grande affection qui le liait au futur Saint. « Souvent – confie-t-il avec une grande humilité – il aurait pu avoir des motifs suffisants pour me blâmer et pour mettre fin à ma charge de préfet. Toutefois, il m’a soutenu avec une fidélité et une bonté absolument incompréhensibles ». Le Pape émérite cite l’exemple de la déclaration Dominus Jesus qui a suscité, selon Ratzinger, « une tourmente ». Jean-Paul II a défendu « sans la moindre équivoque le document », qu’il approuvait « de manière inconditionnelle ».
Et il conclut : « Le souvenir que j’ai de Jean-Paul II, est « rempli de gratitude ». « Je ne pouvais pas, et je ne devais pas, essayer de l’imiter, mais j’ai cherché à poursuivre son héritage et sa tâche du mieux que j’ai pu ». C’est pourquoi, « je suis certain qu’aujourd’hui encore sa bonté m’accompagne et sa bénédiction me protège ».
Article traduit de l'édition italienne d'Aleteia par Elisabeth de Lavigne