Le Père Cédric Burgun a pu voir en avant-première le film Cristeros, qui sortira sur les écrans le 14 mai prochain. Voici ses impressions…
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15/04/14
Cristeros est un film à voir… si l’on n’a pas peur de voir la vérité en face ! Et ce film m’a ému, comme je ne l’avais pas été depuis longtemps au cinéma, tout simplement parce qu’il nous met face à de terribles évènements : la persécution contre la liberté religieuse. Et ce n’est pas des persécutions qui datent des premiers siècles ou du Moyen-âge. Non ! Nous sommes en 1926, au Mexique. Un soulèvement populaire secoue le pays suite aux lois du Président Callès qui interdisent toutes pratiques religieuses dans l’ensemble du pays.
Président du Mexique de 1924 à 1928, Plutarco Calles assume la présidence avec le projet de moderniser le pays. Mais il décide de prendre des mesures drastiques contre la liberté religieuse et les libertés civiles. Sa violente mise en œuvre par la force entraîne un soulèvement populaire, une insurrection du peuple qui fragilisera son mandat et le continent tout entier. Des hommes et des femmes de tous horizons, les Cristeros, vont alors risquer leur vie pour défendre la liberté religieuse, leur liberté, et lutter contre les persécutions menées par le Gouvernement. C’est l’une des pages les plus sombres de l’histoire du Mexique ; histoire que je connaissais mal, malgré les béatifications et canonisations récentes de quelques-uns de ces martyrs du XXe siècle, par Jean-Paul II ou Benoit XVI.
Que s’est-il passé en 1926 ?
Le président Plutarco Callès décida par une loi, la fameuse loi Callès, d’interdire toute pratique religieuse. Les prêtres, religieux ou séculiers, sont tout d’abord expulsés du pays lorsqu’ils sont étrangers et missionnaires ; d’autres sont pourchassés et arrêtés. D’autres encore sont purement et simplement fusillés, sans autre procès. C’est le cas, par exemple, du père Christopher, incarné magnifiquement par Peter O’Toole, un prêtre en faveur de la paix qui devient à son insu un ennemi involontaire du gouvernement, en faisant preuve d’une foi inébranlable face à l’intolérance. Les couvents et écoles catholiques sont fermés et finalement, le culte lui-même est interdit ; les signes religieux et les « costumes » ecclésiastiques sont prohibés en public. Tout ceci plonge la population dans le désarroi, laissant les citoyens sans liberté de religion ni même de liberté d’expression.
La résistance s’organise alors. Des gens de toute part, se refusant tout d’abord à la violence, décident d’organiser un « grand carême », une sorte de révolution pacifique, mais forte à travers un boycott de la consommation. En consommant le moins le possible, ils souhaitent faire pression, de manière économique, sur le gouvernement, mais en vain. Ce boycott perd rapidement de son importance, dès l’automne 1926 d’ailleurs, en grande partie à cause du manque de soutien des catholiques les plus aisés, qui en subissent évidemment, eux aussi, les retombées économiques.
Les évêques travaillent pendant ce temps à faire amender les articles les plus gênants de la Constitution, tandis que le pape Pie XI approuve explicitement les moyens pacifiques de résistance utilisés jusque là. Mais le gouvernement Callès, en représailles contre ce qu’il considérait comme une rébellion ouverte, fait fermer de nombreuses églises et durcir la répression.
Une armée précaire de 400 cristeros, dont des prêtres, se constituent et va défier, par les armes, l’armée fédérale qui se fait de plus en plus en violente à travers le pays. La figure du père Reyes Vega (cf. photo), est pour cela caractéristique : il voit son frère tué sous ses yeux lors d’une attaque. Prêtre, il rejoint tout de même les Cristeros pour combattre, mais sera sans cesse confronté au dilemme d’être à la fois prêtre et combattant. Cartouchières en bandoulière et sombreros, ces Cristeros chargent au galop en criant : « Viva el Cristo-Rey » (Vive le Christ-Roi). Surpris, leurs adversaires les affublent d’un sobriquet – cristeros – dont ils font un titre de gloire. Dans cette partie d’échecs qui voit l’État mexicain affronter l’Église catholique, le peuple est l’invité de la dernière heure : celui que ni le gouvernement ni le clergé n’attendaient.
Les images, tournées à partir d’archives, montrent comment l’armée exécutait des cristeros ou de simples citoyens à travers tout le pays et suspendaient les cadavres aux pylônes du chemin de fer pour montrer l’exemple et terroriser la population. La petite armée précaire doit se trouver un chef : c’est le général Enrique Gorostieta.
D’abord hésitant, tout en se déclarant athée, l’humble chemin de cet homme dur qui va défendre la liberté de croire ou de ne pas croire, va se transformer en chemin de foi : pourquoi des hommes et des femmes sont-ils capables de donner leur vie ? Sous ses ordres, la petite armée hasardeuse deviendra forte et organisée, comptant près de 50.000 hommes.
Le Vatican, sans approuver la prise d’armes, mais sans la réprouver non plus, condamnera fermement, par la voix du Pape, les agissements du Président Callès. Après une guerre de 3 ans ayant coûté la vie à près de 90.000 hommes dans tout le pays, un accord est trouvé en 1929 grâce aux États-Unis qui font pression, tout en cherchant à préserver leurs intérêts pétroliers au Mexique. Les cloches des églises mexicaines peuvent alors de nouveau sonner et appeler au culte, tandis que les pratiques religieuses sont acceptées, sans toutefois abroger les lois Callès, dont le parti politique, le Parti Révolutionnaire Institutionnel, restera au pouvoir pendant près de 70 ans après cette guerre interne. Il faudra donc attendre 1992 pour que la Constitution mexicaine redonne un statut légal aux communautés religieuses et lève toute restriction à l’égard des prêtres.
Des témoignages de foi et de courage
Ce n’est pas cette histoire, si terrible qui soit, qui m’a ému. Mais à nouveau le témoignage récent et bouleversant de ces martyrs du XXe siècle. La vie, sans être donnée, ne vaut pas la peine d’être vécue. C’est bien le cas de ce général, athée, qui va avoir l’humilité de se laisser interroger et notamment par la figure de ce jeune garçon, José Luis Sanchez. Jouée parfaitement par Mauricio Kuri (cf. la photo), la figure de ce petit martyr, mis à mort parce qu’il refusait de renier sa Foi, ne peut que toucher les cœurs. Il a 13 ans quand la guerre contre les chrétiens commence. José arrive alors à se faire engager par les Cristeros, comme simple aide de camp. Mais il est capturé par l’armée gouvernementale. Il refuse de renier sa Foi et fut torturé, puis assassiné le 10 février 1928, en proclamant « Viva Cristo Rey ! » Il fut béatifié le 20 novembre 2005 avec Joseph Anaclet Gonzales Flores et ses compagnons, laïcs martyrs au Mexique.
Au cœur de ce carême, ce film fut donc pour moi comme un grand témoignage ; un témoignage de plus de la victoire du Christ par la Croix. Il y a dans ce film quelque chose de la lente montée au calvaire du Christ, allant jusqu’au bout de son combat pour la vérité. Une certaine violence, dans ce film, heurtera sans doute les plus jeunes. Elle interpelle aussi et interroge. Jusqu’où pourrions-nous aller pour défendre la vérité ? jusqu’où pourrions-nous aller pour contrecarrer l’injustice ? Le dilemme de ces prêtres cristeros en interrogera plus d’un. Le recours aux armes en choquera d’autres. Mais la légitime défense ne requiert-elle pas, parfois, que l’on cesse d’être naïf ?
Si la réponse à cette question n’est pas si simple (et je laisse le soin à chacun d’y répondre), l’interrogation a au moins un mérite : nous rappeler que la vérité mettra toujours en lumière les parts d’ombres et de violences qu’il y a en ce monde. Et cette mise en lumière ne se fera jamais – ou trop peu souvent – de manière pacifique. Malheureusement, le chemin de la croix sera toujours le chemin de l’humanité pour laquelle la recherche de la vérité et de la paix n’est qu’un inévitable combat. Mais au cœur de ce combat, « les hommes tirent les balles, mais c’est toujours Dieu qui décide où elles atterrissent » (parole du père Reyes Vega, dans le film).
Sous-entendu : nos vies sont dans les mains de Dieu, et, quelle que soit la dureté du combat, Dieu décidera toujours que nous portions du fruit à travers lui.