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Enzo Bianchi : L’Évangile des divorcés

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Monastère de Bose (Italie) - publié le 14/03/14
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Le prieur de la Communauté de Bose apporte sa contribution à l’épineuse question des couples divorcés et remariés qui est posée à l’Église dans la perspective du prochain Synode sur la famille.

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Trois semaines après le Consistoire extraordinaire sur la famille qui s’est tenu au Vatican (20-21 février ), Enzo Bianchi, le prieur de la communauté monastique de Bose, qui est l’une des plus importantes d’Europe, revient sur le mariage chrétien et l’épineuse question de la place des divorcés remariés dans l’Église, dans un entretien au quotidien italien La Repubblica, diffusé intégralement sur le site du monstère de Bose, et traduit pas nos soins :

« Si dans la Torah, donnée par Dieu à Israël, le divorce a été normé et autorisé dans certains cas, dans la parole de Jésus, cette «possibilité» ouverte par Moïse en raison de la  « dureté de cœur » [Mat 19 :8] des croyants, n’est plus en vigueur. Jésus, évitant toute interprétation casuistique, dit de revenir à l’intention originelle de Dieu qui, en créant l’homme et la femme, déclara que l’homme ne saurait séparer ce que Dieu a uni comme une seule chair, un «nous» plus fort qu’un «moi» et un «toi».
 
Le mariage chrétien se fait par une alliance, un échange de promesses, une déclaration « pour toujours » qui scelle ainsi une histoire d’amour unique. C’est l’Évangile, la bonne nouvelle du mariage que l’Eglise doit communiquer et  prêcher avec clarté mais aussi avec humilité et sans arrogance, en se mettant, comme je le répète souvent, à genoux devant les époux qui ont vécu une histoire d’amour fragile, éprouvante et difficile.
 
Le cardinal Kasper, le pape François et le Consistoire sur la famille du 21 février dernier ne changeront pas cette annonce. Coup dur pour les oreilles des Grecs et des Juifs d’hier, mais aussi pour celles des chrétiens d’hier, d’aujourd’hui comme de demain. « Mais la doctrine, qui ne peut pas être changée, déclare la cardinal Kasper, peut néanmoins être soumise à un développement ». Elle peut être exprimée avec des mots nouveaux, interprétée plus profondément, articulée de différentes façons, parce que c’est dans l’histoire humaine que l’évangile est prêché, cru et vécu : il ne change pas, mais il peut être mieux compris. Tout le monde est convaincu que la forme et l’identité de la famille, qui a changé plusieurs fois au cours des siècles, a connu au cours des dernières décennies un changement profond lié aux nouvelles approches anthropologiques et aux différentes réalités sociales. Et l’évangile de la famille ne peut être offert avec le langage, l’intransigeance et la sévérité de l’époque post – tridentine.

L’Eglise doit regarder en face les hommes et les femmes qui la composent, leur fragilité et les faiblesses qui les conduisent à contredire les exigences de l’Évangile de nombreuses façons différentes. Par-dessus tout dans leurs histoires d’amour, où le chemin est rude et parce qu’aux croyants aussi peut arriver la séparation, l’infidélité, une nouvelle histoire d’amour, le divorce et un remariage.

Ce sont avant tout des chemins de douleur, de pression, parce que la séparation, le déchirement, la fin d’une histoire d’amour apportent toujours de la souffrance aux conjoints ainsi qu’à  leurs enfants. Dans la communauté chrétienne d’aujourd’hui, les hommes et les femmes qui se trouvent dans cette situation de déchirement ne constituent plus une exception, mais ils sont une présence qui interroge. Avant le dernier Concile, ils étaient considérés comme des « pécheurs publics», exclus de la communauté chrétienne, parfois même excommuniés. Mais l’Église a depuis  changé de cap afin de les rendre bénéficiaires d’une attentive pastorale, pleine de soins, d’amour, qui ne les exclut pas de la communauté chrétienne, mais les invite à participer intensément à la vie ecclésiale .

 
C’est sur cette voie que s’engagent les propositions du cardinal Kasper qui se demande notamment si l’Eucharistie – sacrement de la communion avec le Christ et avec l’Église – ne peut pas être, sous certaines conditions et pour certains divorcés-remariés, un encouragement pour la rémission des péchés et l’adhésion vivante au corps du  Christ. Il ne s’agit pas – il faut y prendre garde – d’autoriser la communion aux divorcés, comme il est dit trivialement, mais plutôt d’identifier les chemins de pénitence comme une issue possible ainsi que de retrouver la communion eucharistique au sein de l’assemblée ecclésiale.

Si un chrétien – en tant qu’individu – a bien compris et assumé l’échec de sa première histoire d’amour scellée par l’Alliance, s’il a vécu cette séparation en respectant toutes les exigences de la justice concernant le conjoint et les enfants, s’il estime en conscience devant Dieu qu’une nouvelle relation peut être vécue avec responsabilité, fidélité et en cohérence avec la foi chrétienne , s’il fait preuve de persévérance et d’un désir de vivre selon l’Evangile, avec l’Église, peut-t-il entreprendre un chemin de pénitence ? L’Eglise ne pourrait-elle pas alors mettre en place une voie dans laquelle un prêtre doté d’un discernement précieux et de préoccupations pastorales pourrait guider, accompagner et assister cette pénitence et cette conversion ?
 
Voilà la médecine de la miséricorde – vérité évangélique, comme celle de la fidélité – qui n’offense pas la justice et qui permet au chrétien pécheur de voir le visage de Dieu qui pardonne et le visage d’une Église-mère qui l’accompagne. Ceux qui, comme moi, écoutent presque chaque jour la souffrance et les plaintes des hommes et des femmes qui, dans leur histoire d’amour ont eu tort, ont échoué ou ont été victimes des erreurs de l’autre et qui essayent de retracer les chemins possibles de l’amour, ne peuvent que réaffirmer que la loi de Dieu est bonne et sainte mais que, une fois que l’homme a enfreint cette loi, seule reste la miséricorde. Lorsque la loi de Dieu est enfreinte, il ne s’agit pas de la supprimer, mais de faire régner la miséricorde de Dieu, et donc, de l’Église. »

Traduit de l’italien par Aleteia. Article original sur le site du Monastère de Bose.

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