En cette journée internationale de la femme, retour sur les paroles du pape François
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« Les apôtres et les disciples ont eu plus de mal à croire. Les femmes non », a déclaré le pape François à l’audience générale de mercredi place Saint-Pierre. « Poussées par l’amour, elles témoignent auprès de leurs enfants que Jésus est vivant, qu’il est vivant et ressuscité », a-t-il souligné après avoir rappelé que les femmes ont été les premières à témoigner de la résurrection du Christ, et qu’elles ont joué un « rôle primordial » dans la propagation de la foi.
« Elles croient et aussitôt elles transmettent ce message, elles ne le gardent pas pour elles, a dit le pape François . Tel est leur rôle particulier : ouvrir les portes au Seigneur, pour le suivre et communiquer son visage, parce que le regard de la foi a toujours besoin du regard simple et profond de l’amour. »
Ces paroles invitent à une réflexion sur la façon dont les femmes, dans l’Eglise et dans le chemin de la foi, ont été des témoins essentiels, et sur le rôle fondamental qu’elles ont aujourd’hui de faire connaître autour d’elles cette « certitude que le Seigneur est vivant ».
Aleteia a recueilli à ce propos les commentaires de deux religieuses : Sœur Eugenia Bonetti, combonienne, engagée depuis des années dans la lutte contre la traite des femmes, et Maria Giovanna Ruggieri, présidente de l’Union mondiale des organisations féminines catholiques (UMOFC), un organisme fondé il y a plus de 100 ans, qui rassemble 5 millions de femmes dans le monde.
Que vous suggèrent les paroles du pape François ?
E. Bonetti: L’attitude des femmes qui vont au tombeau de Jésus et le trouvent vide est la même que celle qui nous anime quand, comme nous y invite le pape François, nous allons vers « les périphéries existentielles », vers les personnes blessées par la vie : alors que nous pensons trouver « un corps mort », nous trouvons des femmes et des hommes qui attendent l’annonce d’un Christ capable de vaincre la mort et leur humiliation. Qui mieux qu’un cœur de femme est capable de côtoyer avec tendresse ces lieux de souffrance et d’abandon? Voilà ce que nous suggère la réflexion du pape. Tout ce qu’il nous a dit ces jours-ci, mais surtout le dimanche de Pâques, où il a dénoncé explicitement la traite des êtres humains, est un bel encouragement pour le travail que nous faisons.
Le 15 mars 2013, les sœurs ont célébré 10 ans de leur présence au Centre d’identification et d’expulsion de Ponte Galeria, à Rome, où sont enfermés les immigrés pendant des mois. Tous les samedi après-midi, pendant 10 ans, le sœurs se sont rendues auprès des femmes qui – à une époque où l’on parle pourtant tant de dignité humaine -, sont enfermées derrière des grilles et du ciment, sans espérance et sans avenir. Nous ne pouvions pas faire grand chose, mais nous n’avons jamais cédé. Un jour, une sœur nigériane, à sa supérieure qui lui demandait ce qu’elle faisait à Ponte Galeria, a répondu: « Nous faisons ce que faisait la Vierge Marie sous la Croix : elle ne pouvait rien changer de cette souffrance, mais elle était là ». Etre présent pour dire « tu n’es pas seule, tu n’es pas seul » : Tel est le sentiment qui habite le cœur de celui qui se met sur le chemin de ceux qui peinent à marcher, et que le pape nous rappelle en évoquant le rôle particulier des femmes qui sont « poussées par l’amour ». C’est ce qu’il a dit aussi aux jeunes détenus de Casal del Marmo en leur affirmant : « Je le fais avec cœur ».
M.G. Ruggieri: Cette « heureuse » attention que le pape François accorde aux femmes dans l’Eglise, est pour nous un encouragement et un stimulant à persévérer dans notre travail, tout comme le fait qu’il ait parlé du problème de la traite des êtres humains, qui est une des priorités de la campagne de sensibilisation que l’UMOFC mène dans plusieurs régions du monde sur le thème de la dignité de la femme. La semaine prochaine justement, aura lieu au Mexique une conférence latino-américaine sur l’exploitation des femmes et les violences portées contre elles, dont Ciudad Juarez est la ville symbole, ville symbole aussi pour l’Eglise et son combat contre ces violences.
Les femmes qui se rendent au sépulcre sont le reflet de ce « génie féminin » qui face à la mort, face aux situations difficiles voire désespérées, « ne jette pas l’éponge » mais continue à avancer. Les femmes qui se rendent au tombeau de Jésus n’ont aucune hésitation, elles savent qu’elles doivent accomplir leur devoir de soigner son corps mort, et c’est précisément cette capacité à ne pas se laisser aller, à être toujours aux aguets, qui fait qu’elles sont les premières destinataires de la Résurrection.
Comme a dit le pape, la Bible et l’Evangile sont pleins d’histoires de femmes fortes: Marie fut la première à dire « oui » à Dieu, en acceptant avec courage le défi de cette maternité exceptionnelle dans sa vie. Je suis contente que le pape ait dit que non seulement les mères mais les femmes en général sont appelées à témoigner: dans l’Eglise on souligne souvent le rôle de la femme épouse et mère, qui est essentiel, mais il y a aussi toutes ces femmes qui ne sont pas des mères et qui ont beaucoup apporté à la communauté ecclésiale et à la communauté civile, qui ont contribué à leur essor.
Ce rôle de la femme peine-t-il à être reconnu dans l’Eglise?
E. Bonetti : Avouons qu’autrefois, ce rôle était souvent peu reconnu, mais le revendiquer ne doit pas être une question d’ordre personnelle. La femme ne cherche pas « sa place» pour elle-même mais pour le mettre au service des autres. C’est pourquoi il faut trouver une nouvelle terminologie, qui inclue la spécificité de l’homme et de la femme, ensemble au sein de l’Eglise, pour vivre et annoncer l’Evangile. Les femmes, même dévalorisées, ont toujours été là : beaucoup, en se mettant au service des autres, ont offert cette « maternité » sans laquelle l’Eglise aurait été stérile, moins « mère » et plus « maîtresse ». Les femmes aident à entretenir un bon équilibre et à redécouvrir que Jésus n’a pas fait de distinctions – au point d’ailleurs, comme a dit le pape, que c’est à des femmes, auxquelles la loi ne reconnaissait pas la faculté de témoigner, qu’il a confié l’annonce de la Résurrection. Et s’il a pu avoir quelque préférence, il l’a eue pour celui qui était le plus humilié et le plus méprisé, homme ou femme qu’il soit.
M. G. Ruggieri: Reconnaître la contribution des femmes dans l’Eglise ne se joue pas en termes de revendications mais de construction, construction de l’Eglise en tant que corps du Christ, selon l’image conciliaire de la constitution Lumen Gentium: si une partie du corps ne fonctionne pas, le reste du corps aussi fonctionne mal. Par contre, appliquer le principe de la réciprocité est valorisant, cela signifie mettre les talents de chacun au service de toute la communauté.
Quand le pape François dit que les femmes croient et témoignent parce qu’elles sont « poussées par l’amour », il met l’accent sur cette capacité qu’ont les femmes à aller au-delà de ce qui est tangible, à suivre leur intuition contre la rationalité masculine, une qualité que l’on prend souvent pour du sentimentalisme ou un rêve, alors que c’est au contraire une manière pour elles d’approcher l’expérience humaine, en s’impliquant dans le témoignage de manière totale. J’espère que l’attention du pape pour le rôle de la femme sera un stimulant pour mieux la valoriser, surtout dans des contextes du monde, comme l’Afrique, le Moyen Orient ou tant d’autres lieux du continent asiatique, où cette conscience est moins présente, sinon bafouée.