Les risques d’un conflit ouvert entre la Russie et l’Ukraine inquiètent de plus en plus les Eglises. Comment se positionneraient-elles ?
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05/03/2014
Pour Luigi Sandri, "le christianisme, arrivé en Ukraine en 988, lorsque les missionnaires byzantins convertirent le Prince Vladimir de Kiev, atteignit progressivement les terres russes. Pour échapper aux Tartares qui, au milieu du XIIIe siècle, ravagèrent Kiev, l'évêque de cette ville gagna la Russie et finit par fixer sa résidence à Moscou, conservant toujours le titre de « métropolite de Kiev ».Lorsqu’en 1453, Constantinople tomba aux mains des Turcs ottomans, la Russie essaya de recueillir l’héritage: le grand-duc de la Moscovie devint « tsar » (empereur) et le métropolite, en 1589, patriarche de Moscou et de toutes les Russies. Dans la décennie qui suivit, de nombreux évêques orthodoxes ukrainiens réaffirmèrent leur union à Rome : ce sont les gréco-catholiques, baptisés par les orthodoxes « uniates »
Au XXe siècle
Et nous en arrivons au XXe siècle. Sous l’Union soviétique, dont l’Ukraine faisait partie intégrante, et une fois surmontées les terribles persécutions de Staline contre toutes les Églises, après la Seconde Guerre mondiale, les uniates ont été mis hors la loi, et leurs biens confisqués par l'État ou donnés à l'Église Orthodoxe. Puis, avec la “perestroïka” – la politique de réformes initiée par Mikhail Gorbachev – les Eglises ont bénéficié d’une plus grande liberté.
Dans le contexte des événements qui ont conduit à l'implosion de l'URSS en 1991, l’Ukraine a accédé aussi à l’indépendance. C’est alors que l'Exarchat du Patriarcat de Moscou qui régnait sur l’Eglise orthodoxe en Ukraine, a été divisé en trois parties: Eglise orthodoxe (liée à Moscou), Eglise autocéphale (indépendante) ukrainienne, patriarcat de Kiev, ces deux dernières organisations n’ayant jamais été reconnues par aucune Eglise orthodoxe.
Maintenant, dans le soulèvement qui a contraint le président ukrainien Viktor Ianoukovitch à fuir, les « uniates » ont été en première ligne pour le combattre. Ces jours-ci, le 24 février, le Saint Synode de l’Eglise ukrainienne (liée à Moscou) a nommé, en remplacement du métropolite Vladimir de Kiev, très malade, un “locum tenens”, le métropolite Onufrij, et a décidé d’ouvrir un dialogue avec l’Eglise autocéphale et avec le patriarcat de Kiev. Cette ouverture aura-t-elle une suite ? De toute façon, le patriarcat de Moscou accepterait-il que les trois Eglises s’unissent, formant une seule Eglise dirigée par un patriarche de Kiev ? Cela signifierait, pour Moscou, perdre un territoire qui donne à l’Eglise russe une grande partie de son clergé.
En attendant, à l’heure qu’il est, si la dure confrontation politique entre Moscou et Kiev devait dégénérer en guerre ouverte, comment se situeraient les Eglises, héritières d’une histoire qui les a déchirées, sur le plan ecclésial et politique, en raison des nationalismes opposés ? Les drapeaux de quelles armées chacune d’entre elles bénirait?
La dureté de la réalité, encore une fois, place l’Orthodoxie ukrainienne face à un défi douloureux et lourd de conséquences. C’est sur ce fond de crise en Ukraine qu’une grande rencontre des primats des Eglises orthodoxes, convoquée par le patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée Ier, qui est le “chef spirituel“ de 300 millions de chrétiens, aura lieu à Istanbul du 5 au 9 mars. Cette rencontre risque d’être très délicate compte tenu de la situation ecclésiale en Ukraine, particulièrement complexe.
La délégation du Patriarcat de Moscou, avec à sa tête le métropolite de Volokolamsk Hilarion, était déjà sur place à Istanbul pour participer à la préparation de la rencontre.
Article traduit par Elisabeth de Lavigne