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Espagne : quand un chef crée une école de cuisine gratuite pour les exclus

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Enrique Chuvieco - publié le 26/02/14
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Enseigner la cuisine à des jeunes en difficulté ou issus de l’immigration pour les aider à réintégrer le monde du travail, telle est l’idée généreuse d’un chef madrilène.

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A Madrid, on peut avec un peu de chances faire la connaissance d'un chef à l'origine d’une école de cuisine étonnante. Depuis quelques semaines, il retourne régulièrement dans un quartier peu touristique de la ville, là où il a grandi…

Car ce cuisinier de formation a récemment découvert que former les jeunes donne bien plus de cœur que le seul fait de  travailler derrière ses fourneaux… Donner des cours aux jeunes de l’ONG Cesal fait partie de ses passions. Avec cette association et les chefs cuisiniers qui la composent, dont plusieurs ont reçu des étoiles au guide Michelin, il a même préparé un dîner de Noël pour près de 600 personnes. Un repas servi par 400 volontaires qui ont payé pour participer à l'événement ! Rencontre avec un chef madrilène solidaire…

D’où vous vient votre passion pour les marmites ?
À la maison, quand j’étais enfant, on a toujours bien mangé. À chaque fois que nous célébrions quelque chose, on le faisait à table. Après avoir passé le Bac, je ne savais pas vraiment quoi faire. C’est pourquoi, en 1987, j’ai commencé à cuisiner avec Iñaki Izaguirre, qui a reçu le Prix national de la gastronomie. C’est là que je suis tombé amoureux de la cuisine. À l’époque, la cuisine n’avait pas autant de succès qu’aujourd’hui !

Je suis ensuite rentré à l’Ecole hôtelière. Je suis alors passé par le Casino de Madrid. Un peu plus tard, j’ai monté le restaurant Bella Loca. C’est là où j’ai commencé à donner des cours. C’est aussi à ce moment là que je me suis rendu compte que ça me plaisait vraiment, plus que de passer toute la journée aux fourneaux. C’est là qu’est née l’Ecole.

Vous collaborez avec l’ONG Cesal pour donner des cours de cuisine aux immigrés ?
La majeure partie des élèves sont immigrés oui. Dans le groupe, il y a aussi deux garçons espagnols au bord de l’exclusion sociale. Parmi ces jeunes, certains vivent des situations difficiles, leurs familles ne s’occupent pas d’eux. Cela m’apporte beaucoup d’être avec eux. Le fait de travailler avec ces personnes, de voir la façon dont ils travaillent, me donne une satisfaction personnelle incroyable. Quelle joie de les voir commencer à l’heure, par exemple. Et puis, nous ne les formons pas seulement en cuisine, nous les formons aussi humainement.

Comment est née votre collaboration avec cette ONG ?
L’École se situe à côté du Centre hispano-dominicain. Alors, quand ils se sont rendu compte que nous étions situés juste à côté d’eux, ils m’ont contacté ! J'avais enseigné pendant cinq ans, mais jamais avec ce genre de personnes. Bien que l’on m’ait proposé des emplois mieux rémunérés, j’ai choisi d’enseigner à ces jeunes et je ne changerai pour rien au monde.

Vous revenez à vos origines populaires en revenant travailler dans le quartier de Vallecas… ?
Oui, c’est vrai. Vous savez, mon histoire est celle d’un jeune de quartier qui ne savait pas non plus ce qu’il voulait faire une fois adulte. C’est pour cela que j’essaie de les aider. Je leur dit que dans la cuisine, ils peuvent y arriver. Parce qu’en cuisine, on a seulement besoin de la tête et des mains. Ce qu’ils ont fait avant, ça m’est égal. À l’inverse, s’ils font des efforts et qu’ils y croient, ça m’importe énormément.

Avec d’autres chefs, dont certains ont reçu des étoiles au Michelin, vous avez participé au diner de Noël organisé par plusieurs ONG pour les personnes dans le besoin. Pourquoi vous être investi dans un tel projet ?
Cesal était une des ONG participantes, ils m’ont proposé de faire une chose typique des fêtes de Noël. Cela m’a paru être une très bonne idée. A ce repas sont venues des personnes qui n’ont pas les moyens de célébrer Noël, certains malades du Sida en phase terminale, des familles qui ont à peine de quoi manger… C’est ainsi que nous avons atteint les 600 personnes, plus 400 volontaires, qui ont même payé pour pouvoir participer ! Ce sont de très bonnes initiatives. La soirée a été vraiment super. Avec cette fichue crise, nous avons tous nos soucis. Mais quand on voit que quelque chose de bien se passe, il faut y aller, sans hésiter.

Que vous a apporté cette initiative ?
Beaucoup. Ce soir-là, j’ai fait le tour des tables et il y avait une très bonne ambiance… Tout le monde chantait ! Aussi, pour ne pas que les personnes venues se sentent mal à l’aise, nous nous sommes tous mélangés à table.

Vous dites que vous avez davantage le goût pour l’enseignement que pour la cuisine…
J’aime tout ce que je fais. Mais, professionnellement j’ai atteint mes limites en tant que cuisinier. Je suis heureux de savoir ce que l’on fait ici mais je crois que, désormais, je suis plus performant dans l’enseignement et la transmission de savoirs.

Nous sommes dans un quartier d’immigrés. Pourquoi ne pas vouloir vous délocaliser dans un endroit plus « chic » ?
Je ne le souhaite sous aucun prétexte ! Auparavant, j’avais un restaurant dans le quartier de Goya et jusqu’à récemment je vivais à Aravaca. J’ai emménagé dans le quartier pour retrouver mes racines, parce que je suis originaire d’ici.

Les personnes qui suivent vos cours paient-elles quelque chose ?
Pas jusqu’à présent. Prochainement, nous allons essayer de demander une petite contribution afin que les personnes prennent conscience de la valeur de l’enseignement. Actuellement, le prix de marché pour ce genre de cours atteint les 3000 €. Le cours a lieu sur cinq mois, en incluant les périodes de stages. Avec les activités de restauration que nous proposons, ils pourront payer une partie des frais. En outre, d’après Cesal, il s’agit du seul cours où tous les élèves finissent le parcours. Je dirais plutôt qu’ils s’engagent sur le long terme car ils s’en sentent capables.

Leur demandez-vous beaucoup d’efforts ?
Bien entendu. La première chose que je leur dit c’est que je ne veux pas qu’ils soient en retard, sinon je ne les accepte pas en cours. D’un autre côté, je leur dit que les règles avec lesquelles ils vont devoir vivre ici, ils les auront aussi à l’extérieur, dans leur futur travail. C’est comme ça que marche le métier, avec des règles à respecter.
Beaucoup de psychologues sont venus pour étudier ce que l’ont fait. Au début, quand ils ont entendu parler de notre activité, ils n’y croyaient pas. C’est extraordinaire à quel point ces garçons s’impliquent. Non seulement parce qu’ils viennent tous les jours et qu’ils sont ponctuels, mais aussi parce qu’ils réclament tout le temps des choses à faire.

Ils se sentent engagés….
Je pense que c’est parce qu’ils savent que ceux qui travaillent bien trouveront un stage rapidement. Et qu’ensuite ils auront des chances d’être gardés pour un emploi. Cette semaine, j’ai envoyé deux garçons en stage. Le cursus des cours dure cinq mois. Certains vont rester plus de temps avec moi, d’autres très peu et iront directement en stage parce qu’ils auront eu besoin de moins de temps pour être prêts.

Vous leur apprenez les exigences propres à l’hôtellerie, où l’on est continuellement sollicité par les supérieurs…
C’est sûr. C’est le métier qui veut ça. Je les prépare au travail réel, à soigner une entaille, à aiguiser un couteau, à faire revenir une sauce… Pour que, une fois en stage, ils sachent quoi faire, et rapidement.

 
Article traduit et adapté de la version espagnole d’Aleteia par Gaëlle Bertrand

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