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Cinéma : la force des femmes

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Ary Waldir Ramos Díaz - aleteia - publié le 03/01/14
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Le père Lloyd Baugh, expert en théologie et en septième art, évoque pour Aleteia sa perception du rôle de la femme au cinéma.

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(Photos films Son of Man 2006; La passion 2009; Marie de Nazareth 2013)

Le Père Lloyd Baugh, a accordé un entretien à Aleteia dans le cadre d’une série de conférences sur le thème «la force des femmes dans le cinéma », organisée à Rome par la Faculté de Sciences Sociales de l'Université Pontificale Grégorienne (PUG ). Elle s'achèvera le 15 Janvier 2014.
 
Père Baugh, quelle est selon vous l’évolution du rôle des femmes dans le cinéma contemporain?

Lloyd Baugh ( LB ) : Le cinéma se prononce souvent en faveur du changement social, ou bien carrément contre. Concernant le rôle des femmes, spécifiquement, il y a selon moi une certaine tendance parmi les films populaires à ne pas accepter la dynamique de développement actuelle dans toutes les sociétés, que ce soit en Asie, en Afrique, en Europe ou en Amérique…

Le film populaire, en général, ne conteste pas tant que cela le statu quo. Le rôle des femmes dans les films d'action, par exemple, n'est jamais très révolutionnaire. Il ne reflète pas les innombrables possibilités qui existent pour faire découvrir la femme d'aujourd'hui.
Au contraire, le film d'art évoque davantage un rôle traditionnel de la femme.

Le cinéma d’art est créatif, car il s’emploie à refléter les nouvelles réalités, il pose des questions au lieu d’apporter des réponses simples. Personnellement, mon cœur penche plutôt en faveur du cinéma d'auteur, qui cherche à approfondir les thèmes, les questions, les situations réelles, et qui explore ainsi les différents rôles qu’ont les femmes dans la société. Le fait de représenter une femme forte au cinéma revient à assumer la réalité du monde contemporain.

Le cinéma a-t-il le pouvoir de changer l’image d’une femme soumise et peu active au milieu des changements sociaux dans le monde ?

LB : Je parlerais de deux types de cinéma. Le cinéma commercial et le cinéma d'auteur (d'art). Le cinéma commercial revêt souvent un aspect conservateur, pour remplir les caisses, avec la production de films sentimentaux, d’action, ou d’humour.

De ce qui m’a été donné de voir, c'est un cinéma qui ne va pas à contrecourant de l'image classique de la femme. Il ne brise pas le statu quo. La femme manipulée par l'homme, des circonstances qui font qu’elle doive rester à la maison, ou du moins qu’elle soit au service de l’homme protagoniste du film… Une femme subordonnée à l’homme donc, limitée. La femme doit rester à sa place.

Le cinéma d'auteur est plus audacieux, en ce sens qu’il accorde plus d'espace à la femme. La femme telle qu’elle est, et telle qu’elle peut être au cinéma. Il montre des images de femmes en dévoilant d'autres niveaux de réalité de la société contemporaine. Il ne limite pas la femme mais la libère au contraire. Afin qu’elle soit la personne qu’elle devrait être : non plus un personnage annexe au service de l'homme, mais une femme, un être humain doué de force.

Il semblerait qu’Hollywood soit en train de redécouvrir les histoires de la Bible. L'an prochain, c’est notamment le film Noé, réalisé par Darren Aronofsky, avec Russell Crowe et Emma Watson, qui sortira en salle. Quelle est votre opinion sur ce type de film?

LB : Si je me fie à mon expérience, le film biblique ne suscite pas en moi beaucoup d'espoir, et pas tant pour le rôle tenu par les femmes que pour la qualité qu'il devrait présenter. Les exemples d'épisodes et de figures bibliques sont légion. Mais généralement, ces films se résument à de banals films d'action, à peine porteurs d’une petite référence au texte biblique authentique.

Si le film est bien réalisé, il va se vendre, mais je doute qu’il ait un grand impact théologique ou sociologique. Je ne m’attends pas à ce qu’ils donnent des rôles nouveaux aux femmes bibliques. Je ne m’attends pas à ce qu’ils représentent, de fait, les femmes bibliques telles qu'elles sont réellement, telles qu’elles l’ont été en vérité.

Que pensez-vous du film sur Marie de Nazareth et Marie-Madeleine ?

Le film sur la mère de Jésus laisse beaucoup de perplexités. Il montre une Marie dévouée, passive et soumise. C'est le seul aspect de Marie que l’on voit dans le film.

Nous ne devons pas oublier que selon les spécialistes de la Bible, Marie, mère de Jésus, tout comme d'autres femmes du Nouveau Testament, est forte. Toutes ces femmes ont eu un impact très fort sur les communautés de l’époque, par leur dynamisme de grande ampleur.

Marie-Madeleine

LB : Marie-Madeleine occupe un rôle « exceptionnel » dans la Bible. Beaucoup pensent à Marie-Madeleine comme étant une grande pécheresse, une prostituée, impure, alors que c’est complètement faux. Le cinéma a soutenu cette image déformée pendant des décennies et continue à le faire.

Marie-Madeleine est importante pour notre foi chrétienne et notre culture, car c’est la première à assister à la résurrection de Jésus. C'est un rôle important. Mais le film reflète très peu cette importance. La scène du film dans le jardin près de la tombe de Jésus est présentée comme un moment sentimental. Il ne reflète en aucun cas la valeur profonde de cette figure biblique.

Dans l'Evangile, rien ne laisse entendre que Marie-Madeleine soit une prostituée, alors, pourquoi l'image de Marie-Madeleine est-elle altérée par le film et plus généralement par la croyance populaire ?

LB : Il s'agit d'une erreur commise par le pape Grégoire le Grand (Rome 540-604), dans une homélie en 591. Il a confondu le rôle de trois femmes (Marie de Béthanie, une autre femme anonyme que Jésus a sauvé de la lapidation, et Marie-Madeleine). De ce fait, la figure de Marie-Madeleine en tant que prostituée sauvée par sa conversion n'a pas d'origine biblique.

Peut-on considérer l'équation cinématographique « Marie-Madeleine égale prostituée » comme l’exemple type du film qui réduit l'image des femmes à des êtres faibles et émouvants?

LB : Marie-Madeleine pourrait être le symbole de nouvelles possibilités pour la femme dans le cinéma religieux.

Au lieu de cela, le cinéma biblique populaire fait de Marie-Madeleine une prostituée, la mettant en scène de façon ambiguë. Je pense par exemple au film de Martin Scorsese (USA 1988), La Dernière Tentation du Christ.
 

Un scénariste se trouve confronté au problème du manque de références bibliques sur la figure de Marie de Nazareth …

LB : Dans le cas de Marie, mère de Jésus, nous disposons de peu de matière authentiquement biblique. L’un des faits les plus importants de la Bible est l’Annonciation.

D'autre part, nous savons peu de choses sur ce qu’a fait Marie à Bethléem. Il y a deux ou trois références dans les textes bibliques : la visite à Élisabeth, et la présentation de Jésus au temple. Et puis elle disparaît.

De fait, dans un film qui devrait durer deux heures, il faut inventer la vie de Marie. Le problème, c'est lorsque l’on sombre dans le sentimentalisme…

À cet effet, un film intitulé Marie de Nazareth, réalisé par Giacomo Campiotti (Italie 2013) produit par la RAI, a été diffusé le 8 Décembre 8 dernier sur une chaîne nationale, et décrit la relation entre Marie et Marie-Madeleine. Le film comprend plusieurs éléments de fiction et seulement quelques éléments bibliques.

Mais Marie, mère de Jésus, est-ce le seul rôle qui peut lui être attribué? Pourrait-elle avoir un autre rôle ? Si Marie est dépeinte comme la mère dans une longue série d'épisodes pas authentiquement bibliques, un problème se pose, puisqu’il ne représente pas la véritable Marie.

Marie peut incarner le rêve d'un scénariste, mais est-ce que cela peut refléter la réalité biblique ? Peut-il exprimer la réalité théologique de Marie ? J’ai quelque doute à ce sujet.
       
Si vous voulez voir une Marie forte, vaillante, quasi apôtre, je vous recommande le film sud-africain sur l'Évangile, Son of Man ( Mark Dornford – mai 2006 ), dans lequel Marie joue un rôle évangélique révolutionnaire à l'époque de la mort et de la résurrection de Jésus.

Comment peut-on dire qu'un film est religieux ?

LB : Parfois, le terme réduit l’œuvre à des saints, des prophètes ou des martyrs. Selon moi, cette définition de film religieux peut s’étendre à d'autres films. Je pense que l’on peut voir le cinéma différemment. En tant qu’art pictural, il exprime de nouvelles formes et des réflexions à la fois bibliques et théologiques.

Existe-t-il une spiritualité ou bien une théologie implicite dans des films qui ne revêtent pas d’aspect «religieux» ?

Il y a des films comme Le Festin de Babette de Gabriel Axel ( Danemark , 1987) où une femme incarne la métaphore de Jésus et du salut, Bagdad Café de Percy Adlon (Allemagne 1992) ; Le Décalogue de Krzysztof Kieslowski ( Pologne , 1984) , où nous retrouvons une Marie-Madeleine forte.

Pouvez-vous recommander d'autres films aux significations profondes et chrétiennes à voir en cette période de Noël et du Nouvel An ?

LB : Je pense au film Romero de John Duigan (États-Unis, 1989), qui montre les étapes d’un prêtre du sacerdoce jusqu'à l'archevêché. Romero a une expérience de conversion profonde qui l'oblige à se consacrer à la situation des pauvres et des victimes de l'injustice, ce qui lui fera de lui un martyr. Pour moi c’est un film important.
 

L'Évangile selon Matthieu de Pier Paolo Pasolini (Italie, 1964), l'un des films les plus importants au sujet de Jésus, est décrié par certaines personnes au sein de l'Église, car disent-ils, « Pasolini était communiste, homosexuel, et athée ». Je n'accepte pas ces arguments. Regardons le film en tant que texte et ensuite nous serons en mesure de juger.

Le père Baugh, doyen de la Faculté, a consacré 28 années à la réflexion théologique sur des œuvres cinématographiques, qu’il a alimentée par un grand nombre de livres, d’articles, de séminaires et de conférences dans le monde entier.

Prochain rendez-vous de la série de films à l'Université Grégorienne de Rome le 15 janvier prochain. Projection du film Veronica Guerin de Joel Schumacher (USA, 2003), commenté par Mary McAleese, de la Faculté de droit canonique.
Série «La force des femmes: 4 films sur l'engagement, la créativité et le courage au féminin ».
12:30. Faculté de Sciences Sociales, Aula Magna. Entrée libre.

Interview traduite de l'espagnol par Solène Tadié.

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