La sainte Vierge est dite « comblée de grâce ». Comme telle, elle a été entièrement préservée du péché originel dès sa conception. Cet enseignement transmis très tôt par les pères de l’Église sera promulgué définitivement en 1854 par le Pape Pie IX.
Pour être la Mère du Sauveur, Marie "fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d'une si grande tâche" (LG 56). L'ange Gabriel, au moment de l'Annonciation la salue comme "pleine de grâce" (Lc 1,28). En effet, pour pouvoir donner l'assentiment libre de sa foi à l'annonce de sa vocation, il fallait qu'elle soit toute portée par la grâce de Dieu." (CEC 490).
L'union de deux natures : humaine et divine
Dans l’incarnation du Verbe se réalise l’union des deux natures, humaine et divine. Pour cette union singulière, unique et exceptionnelle, l’élue en qui elle se réaliserait devait être déjà parfaitement sainte. Parce que pour cette noce unique, il fallait que sa liberté soit parfaite, en vue d’épouser véritablement, librement, la volonté de Dieu. En effet, ce n’est que délivré du péché que l’homme est totalement libre. Et en Marie, cette liberté devait être totale pour accepter sa vocation : cette union si intime avec Dieu.
Par ailleurs, la tradition enseigne que, de même que la mort est entrée dans le monde par la faute d’une femme, le monde est sauvé par le "oui" d’une femme. Ainsi ce n’est pas la personne en tant qu’elle est femme qui devait porter la culpabilité de la faute originelle. S’il en avait été ainsi, bon gré mal gré, les femmes de toutes les générations auraient dû porter sur elle l’opprobre, assumer par ressemblance à Eve la culpabilité de la faute originelle. Être femme aurait supposé être « indigne », incarner la culpabilité. Mais par l’élection de Marie, nous sommes tenus loin de cette erreur, et obligés à une juste appréciation de la dignité admirable portée par la femme. Car c’est aussi d’une femme que nait le fils de Dieu par qui le monde est sauvé, une femme qui est ainsi élevée à la plus haute dignité des créatures, au-dessus de toutes les créatures. « Le nœud dû à la désobéissance d’Eve, s’est dénoué par l’obéissance de Marie ; ce que la vierge Eve avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie l’a dénoué par sa foi ». (Catéchisme de l’Église Cath. 494).
Le dogme de l'Immaculée Conception
Comblée de la grâce de Dieu, donc entièrement reçue de Lui, la très sainte Vierge Marie peut se donner librement et entièrement à Lui. Elle répond ainsi par un don à la ressemblance du don qu’elle a reçu, pour devenir la Mère de Dieu. C’est cette liberté du don parfait que permet l’Immaculée Conception.
« Au fil des siècles, l'Église a pris conscience que Marie, "comblée de grâce" par Dieu (Lc 1,28), avait été rachetée dès sa conception. C'est ce que confesse le dogme de l'Immaculée Conception, proclamé en 1854 par le pape Pie IX. » (CEC. 491).
Le dogme de l’Immaculée Conception prend sa source dans le récit de l’Annonciation : la tradition a toujours interprété la salutation de l’ange, « comblée de grâce », comme ce don spécial fait à Marie. Dès les premiers siècles du christianisme, surtout en Orient, l’Église célèbre la pureté de Marie. Les pères de l’Église la définissent comme « Panaghia », c’est-à-dire la toute sainte, sanctifiée par l’Esprit-Saint, « lys très pur », « immaculée ».
En Occident, la tradition de l’Église a toujours maintenu la doctrine de l’Immaculée Conception. Mais l’évolution vers la définition du dogme fut confrontée à des difficultés théologiques : en premier lieu, l’universalité du Salut dans la mort et la résurrection du Christ pouvait être mise en cause par l’idée que, préservée du péché, Marie n’aurait pas eu besoin d’être sauvée. Par ailleurs, il s’agissait de savoir si Marie avait été « conçue sans péché » ou conçue d’abord, puis délivrée du péché ensuite.
La véritable controverse commence en Europe au XIIe siècle avec la naissance des universités et de la scolastique. Anselme de Canterbury élabore le concept de pré-rédemption, soutenant que la rédemption avait été appliquée à la Vierge dès avant sa naissance. Le franciscain Jean Duns (1265-1308) est l’auteur de la maxime « Potuit, decuit, fecit » (« Dieu pouvait préserver sa Mère du péché de la race, il convenait qu'il le fît et il l’a fait »). L’Immaculée Conception n’était donc pas une exception à la rédemption du Christ, mais son action salvifique la plus parfaite et efficace.
Toutefois, la controverse se poursuit et en 1439, la question est portée devant le Concile de Bâle, qui, après deux ans de discussions, se prononce en faveur de l’Immaculée Conception. Mais, ne s’agissant pas d’un concile œcuménique, il ne peut en faire encore un dogme. À partir du XVIe siècle, les grandes universités deviennent des bastions de la défense du dogme. En 1476, avec le pape Sixte IV, la fête de la Conception de Marie est introduite dans le calendrier romain. Le 8 décembre 1661, le pape Alexandre VII promulgue la constitution Sollicitudo omnium Ecclesiarum, déclarant que l’immunité de Marie du péché originel dès le premier moment de la création de son âme et de son infusion dans le corps est objet de foi. Un soutien à l’Immaculée Conception vient aussi des catéchismes de Canisius (XVIe siècle), Bellarmin (XVIIe siècle) et Bossuet (XVIIIe siècle).
En 1830, Catherine Labouré (1806-1876) reçoit une apparition de la Vierge qui lui confie le devoir de répandre dans le monde entier la « Médaille miraculeuse » avec l’image de Marie et l’inscription : « Conçue sans péché ». La dévotion qu’elle suscite parmi les fidèles est si grande que beaucoup d’évêques demandent au pape Grégoire XVI de définir le dogme de l’Immaculée Conception.
Dans la bulle Ineffabilis Deus en 1854 enfin, le dogme est proclamé par son successeur Pie IX : « La doctrine qui enseigne que la Bienheureuse Vierge Marie, dans le premier instant de sa Conception, a été, par une grâce et un privilège spécial du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de toute tâche du péché originel, est révélée de Dieu ».
Quatre ans après, une Dame vêtue de blanc et d’une ceinture bleue apparaît à Lourdes à la jeune Bernadette Soubirous, en disant : « Je suis l’Immaculée Conception », confirmation significative de la proclamation de Pie IX.
« Cette sainteté éclatante absolument unique […] lui vient tout entière du Christ : elle est rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils" (LG 53). Plus que toute autre personne créée, le Père l’a "bénie par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ" (Ep 1, 3). Il l’a "élue en Lui, dès avant la fondation du monde, pour être sainte et immaculée en sa présence, dans l’amour" (cf. Ep 1, 4). » (CEC 492).
L’Immaculée Conception est ce qui rend la sainteté de Marie tout à fait unique. En effet, bien que sauvée comme nous tous par la mort et la résurrection du Christ, ce Salut lui est accordé dès sa conception. Elle est choisie par Dieu dès « l’origine des temps » et le Verbe s’incarne en elle à « la plénitude des temps ». Ces événements dépassent la simple contingence des événements de ce monde. Ce sont des événements qui ont une portée, et même une nécessité eschatologique. Ce sont des événements qui ont leur source au-delà des temps, dans la volonté du Tout Puissant. Entre eux, il n’y a pas d’avant ni d’après. Il n’y a qu’une seule et même action salvifique de Dieu rendue présente à l’histoire des hommes dans le temps qui convient à la Providence.
Aussi l’Immaculée Conception est étroitement lié à la prédestination de Marie. "Dieu a envoyé son Fils" (Ga 4, 4), mais pour lui "façonner un corps" (cf. He 10, 5) il a voulu la libre coopération d’une créature. Pour cela, de toute éternité, Dieu a choisi, pour être la Mère de Son Fils, une fille d’Israël, une jeune juive de Nazareth en Galilée, "une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie" (Lc 1, 26-27) : Le Père des miséricordes a voulu que l’Incarnation fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une femme ayant contribué à l’œuvre de mort, de même une femme contribuât aussi à la vie (LG 56 ; cf. 61). » (Catéchisme Église Cath. 488).
Le Salut en Christ est une re-création de l’homme. Le Christ est l’homme nouveau, le nouvel Adam, et il nous destine à être incorporés à cette nouvelle humanité réalisée en son corps. En sorte qu’en Christ l’humanité fait comme l’expérience d’une évolution radicale, un « saut d’espèce », qui n’est pas tant biologique qu’ontologique. Et si nous pouvions filer la métaphore de l’évolution, nous pourrions dire alors que la Sainte Vierge Marie serait comme le « chaînon manquant » entre le vieil homme et l’homme nouveau. Première créature sauvée par le Christ, et mère de toutes les autres créatures. Marie est, pour ainsi dire, le sacrement de la nouvelle naissance.
Avec elle, nous, disciples au pied de la croix, pouvons entendre le Christ nous dire : « Voici ta mère ». Ainsi nous sommes comme engendré de Marie, parce que nous sommes incorporés au corps de son fils. Nous entrons avec Marie dans une nouvelle filiation, qui nous fait quitter la spirale du péché originel.
L’Immaculée Conception est aussi liée à la virginité perpétuelle de Marie. Comme sacrement de la créature nouvelle, son âme reste pure comme, par analogie, son corps reste vierge. Enfin, c’est parce qu’elle est conçue sans péché, toujours immaculée, qu’elle ne connaitra pas la corruption de la mort, et que toute l’Église peut fêter avec elle son Assomption dans le ciel, dernier dogme la concernant. Voilà ce qui rend l’Immaculée Conception si importante pour la foi des chrétiens.