Les combats entre les rebelles musulmans de la Séléka et les milices paysannes d’auto-défense précipitent des masses de réfugiés à Bangui, notamment autour de l’évêché.
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30/10/2013
Le sang continue de couler en Centrafrique. Le dernier bilan des affrontements entre milices paysannes d’auto-défense et ex-rebelles de la Séléka près de Bouar, à 400 kms au nord-ouest de Bangui, la capitale, fait état d’au moins 40 morts (selon des sources militaires de la Séléka, la coalition qui a mené le coup d’Etat contre François Bozizé).
Les combats entre les deux parties font rage depuis le samedi 26 octobre dernier. Ce jour-là, des milices d’auto-défense auraient attaqué la base des ex-rebelles et l’aérodrome de Bouar, ville située à environ 400 km au nord-ouest de Bangui, la capitale centrafricaine, dans une région considérée comme acquise à l’ex-Président renversé, François Bozizé.
A Bouar la situation humanitaire se dégrade de jour en jour. Les habitants partent se réfugier à l’évêché, qui abritent actuellement plus de 5 000 personnes et qui a de plus en plus de mal à les loger et à les nourrir, rapporte RFI
Les réfugiés ont quitté les provinces saccagées et les villages où ils étaient rackettés. Ils sont arrivés en masse également à Bangui : « Ils s'entassent dans des camps. Autour de la cathédrale de Bangui, il y a 30.000 personnes. L'Église reste proche des populations. C'est la seule institution encore vraiment en place. En Centrafrique, la communauté chrétienne reste majoritaire.», confirme l’évêque co-adjuteur du diocèse d'Alindao, Mgr Cyr-Nestor Yapaupa, lors de son passage dans le diocèse de Tours.
« Il y a eu beaucoup de pillages partout où la Séleka est passée – confie-t-il à Brigitte Barnéoud sur le site Internet Nouvelle République – Ces groupes, en grande partie musulmans s'en sont pris aux biens de l'Église. Ils ont pillé les presbytères, les couvents. Ils ont emporté nos véhicules et ont saccagé nos installations électriques. Certains de mes abbés ont reçu des coups. La population a beaucoup souffert. Les registres ont brûlé dans mon diocèse… Il faut que l’opinion réagisse !… Le pays est totalement désorganisé. Il n'y a pas d'État de droit ».
A Bossangoa, située à 300 Km au nord, où 2.000 maisons ont été incendiées et 37.000 personnes ont cherché refuge près la mission catholique locale, les conditions de vie des évacués sont dramatiques, les maladies, le manque d’hygiène et de nourriture provoquant la mort de quatre à cinq personnes par jour.
« La République centrafricaine est une poudrière prête à exploser » avait déclaré la semaine dernière Mgr Dieudonné Nzapalainga, Archevêque de Bangui et Président de la Conférence épiscopale centrafricaine, devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève.
Selon l’Archevêque, les effectifs des rebelles sont passés de 3.500 en mars à 25.000 personnes aujourd’hui, notamment au travers du recrutement forcé d’enfants :
« Les enseignants, assimilés au pouvoir de l’ancien président Bozizé, ont été traqués. Ils ont fui, les enfants se sont retrouvés livrés à eux-mêmes. Certains, enrôlés comme enfants soldats, ont troqué leurs stylos contre des kalachnikovs. Comment va-t-on pouvoir les remettre sur les bancs de l’école? C’est une génération sacrifiée », confie-t-il le 29 octobre à Marina Bellot dans un entretien au Secours Catholique.
Sans compter l’esprit de division qui semble s’emparer des citoyens : « Aujourd’hui, tout le monde vit dans la peur de l’autre », confirme l’archevêque de Bangui : « Cette rébellion a brisé les liens sociaux. Les rebelles du Séléka ont instrumentalisé la fibre religieuse. Beaucoup, notamment ceux qui viennent du Soudan et du Tchad, sont musulmans et ne parlent pas français. Ils vont voir les jeunes musulmans, avec qui ils peuvent parler arabe, et leur donnent des armes pour qu’ils leur servent d’indicateurs. »
Et dans la tête des gens, « l’amalgame est vite fait entre musulmans et Séléka », poursuit l’évêque qui met en garde contre les dangers de ce genre de raccourci : « Il ne s’agit pas d’un conflit religieux mais bien d’une une crise politique. Le vivre ensemble est une réalité dans le pays, il ne faudrait pas que tout notre passé de cohabitation et de cohésion vole en éclat. Aujourd’hui, tout le monde vit dans la peur de l’autre ».
Mais l’archevêque de Bangui ne perd pas espoir : Avec plusieurs responsables religieux, ils ont mis en place une plateforme rassemblant musulmans, protestants et catholiques, qui travaillent ensemble pour désamorcer les tensions, et dire que cette crise est d’abord politique.
De la communauté internationale, il dit attendre un renforcement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, la Misca qui devrait atteindre les 3600 soldats, et un renforcement de la présence de l’Onu “pour permettre aux gens de ne pas vivre la peur au ventre et de pouvoir vaquer, à nouveau, à leurs occupations”, a-t-il confié au Secours catholique.
Le chaos qui est en train de gagner tout le pays préoccupe tous les chefs d’Etat de la sous-région, qui craignent que les troubles que connait le pays se propagent sur leur territoire.