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L’appel que le pape François a lancé le 20 octobre aux médias catholiques conforte Aleteia dans la finalité que notre site poursuit.
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« Converger au lieu d’être en concurrence ». Tel est l’appel du Pape François à l’égard des médias catholiques lancé le 20 octobre dernier. En plein cœur de la semaine missionnaire (dont on a peu parlé finalement…), le Pape François a mis en garde, une fois encore, contre la mondanité possible : selon lui, toute approche médiatique doit être selon une « optique qui ne peut jamais être « mondaine », mais « ecclésiale ».
Et il ajoute que « nous vivons dans un monde où il n’existe presque rien qui n’ait à voir avec l’univers des médias. Des instruments toujours plus sophistiqués renforcent le rôle de plus en plus envahissant des technologies, des langages et des formes de communication dans le déroulement de notre vie quotidienne, et pas uniquement dans le monde des jeunes ».
Mais finalement, si nous posions une question ouverte et peut-être osée : n’y a-t-il que quelques pas frileux de l’Église face aux nouvelles technologies et face aux médias ?
La communication s’est toujours posée à l’Église : le Christ peut être considéré comme le « parfait communicateur » (Communio et progressio du Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, 1971, n°11). Et le Cardinal Ravasi a récemment déclaré que Jésus a été la première personne au monde à tweeter avec des formules brèves et pleines de sens ! La foi chrétienne est elle-même fondamentalement « communication » et mise en réseau social.
La question de la communication et de la présence médiatique de l’Église interroge, étonne, et parfois dérange. Quand cette présence est volontariste et strictement personnelle, quand elle est recherche de contacts et de carnets d’adresses, alors elle est mondaine au mauvais sens du terme. La démarche sera ecclésiale si elle veut répondre à la pertinence, à l’importance de rendre présent l’Église – et donc le Christ – dans ce nouveau continent qu’est l’ère du numérique.
Les choses évoluent extrêmement vite : par exemple, lors de la promulgation du Code de Droit Canonique en 1983, il n’était nullement question de mails (ils étaient seulement à l’essai dans quelques serveurs privés) ; les réseaux sociaux n’avaient pas vu le jour : Facebook, Twitter, Viadeo, ou encore LinkedIn, naitront aux États-Unis à partir de 1995, mais ne seront réellement internationalisés qu’à partir de 2004.
Aujourd’hui, les réseaux sociaux permettent d’entrer simplement en contact avec d’autres via internet, créant une communauté de fait, même si elle est « virtuelle ». Le réseau social Facebook, par exemple, revendique à lui seul plus de 550 millions de membres actifs, dont 20 millions en France : sur les 50 millions d’internautes français, environ 40 millions vont au moins une fois par mois sur un réseau social. Et sur Facebook, il s’agit surtout de jeunes dont la moyenne d’âge est de 35 ans. C’est pourquoi le quotidien Le Monde avait qualifié ce réseau social de « troisième État du monde » à cause du nombre d’utilisateurs qu’il peut revendiquer [1].
Le Synode pour la Nouvelle Évangélisation, qui s’est achevé à Rome l’an passé, a montré cette prise de conscience de l’Église :
Internet, au sens large, offre « de vastes possibilités et représente l’un des grands défis pour l’Église. (…) Aujourd’hui la scène d’un univers mondialisé peut influencer de vastes secteurs des pays en voie de développement. Il n’existe au monde aucun endroit qui ne puisse être atteint, et donc sujet à l’influence de la culture médiatique et numérique qui s’impose toujours plus comme le « lieu » de la vie publique et de l’expérience sociale [2]. »
C’est bien en cet aspect le plus récent du développement d’Internet que réside pour nous l’intérêt le plus vif : en effet, internet n’est pas qu’un endroit risqué où les chrétiens ne devraient qu’être prudents ! Le Pape le rappelle bien dans sa dernière intervention sur ce sujet et il insiste particulièrement, tout en montrant que « cela requiert une responsabilité particulière, une grande capacité à lire la réalité avec une clé de lecture spirituelle ». En effet, les événements de l’Église « ont une caractéristique fondamentale particulière : ils répondent à une logique qui n’est pas principalement celle des catégories, pour ainsi dire, mondaines, et c’est précisément pour cette raison qu’il n’est pas facile de les interpréter et de les communiquer à un public vaste et varié » (Discours aux représentants des médias, 18 mars 2013). Parler de responsabilité, d’une vision respectueuse des événements que l’on veut raconter, signifie aussi avoir conscience que la sélection, l’organisation, la messe sur les ondes et le partage des contenus exige une attention particulière parce que cela utilise des instruments qui ne sont ni neutres, ni transparents. »
Et l’on voit bien combien toute la montée en puissance des réseaux sociaux, dont Facebook et Twitter sont les exemples les plus connus, est particulièrement significative au travers du rôle central qu’ils ont joué récemment dans les révolutions arabes récentes en particulier en Tunisie et en Égypte.
Aujourd’hui, le réseau « internet » n’est plus seulement « qu’un outil ». Il n’est pas qu’un moyen de communication, selon des termes que l’on peut retrouver fréquemment ici ou là. Il représente un nouveau champ de l’humanité, comme une nouvelle population qui se définirait, non pas selon les critères anciens d’appartenance (étatique, historique, sociologique), mais selon des critères nouveaux, encore à préciser. Quelle en est alors la compréhension ecclésiale ? N’est-ce pas, in fine, le révélateur d’un mouvement sociétal et ecclésial plus complexe ?
Comme le Pape le soulignait encore dans son message du 20 octobre, la fonction des médias catholiques « n’est pas purement documentaire, « neutre » face aux événements, mais (ils contribuent) à rapprocher l’Église du monde, en annulant les distances, en faisant arriver la parole du Pape à des millions de catholiques, même là où, souvent professer sa foi est un choix courageux. Grâce aux images (…), le Pape (peut) apporter le Christ aux si nombreuses formes de solitude de l’homme contemporain, en atteignant jusqu’aux « périphéries technologiques sophistiquées ». Dans (cette) mission, il est important de rappeler que l’Église est présente dans le monde de la communication, dans toutes ses expressions variées, surtout pour conduire les personnes à la rencontre avec le Seigneur Jésus. (…) je vous encourage à poursuivre avec audace dans votre témoignage de l’Évangile, en dialoguant avec un monde qui a besoin d’être écouté, d’être compris, mais aussi de recevoir le message de la vraie vie. »
Ainsi, le pape nous encourage-t-il à aller aux « périphéries technologiques sophistiquées » ! Voilà le « nouvel espace social » (cette expression est tirée du Synode sur la Nouvelle Évangélisation) qui s’ouvre au champ de l’évangélisation. Mais encore faut-il que nous opérions une conversion : passer de « l’instrument » au « lieu de l’évangélisation ».
Trop souvent, nous voyons internet et les réseaux comme des moyens. En rester à cette seule dimension instrumentale insiste malheureusement plus sur le danger qu’ils représentent. La vision positive est donc une utilisation instrumentale des médias au service de l’évangélisation. La compréhension qu’en a l’Église a sur ce point évolué : Jean-Paul II avait clairement exprimé une autre vision du monde de la communication en le signifiant comme « le premier aréopage des temps modernes (…), qui donne une unité à l’humanité en faisant d’elle, comme on dit, un « grand village » [3] ». Par conséquent, disait-il encore, l’Église « n’est pas appelée seulement à utiliser les médias pour diffuser l’Évangile, mais, aujourd’hui plus que jamais, à intégrer le message salvifique dans la ‘nouvelle culture’ que ces puissants instruments de la communication créent et amplifient [4] ». Et Benoit XVI demandait, quant à lui, l’exercice « d’une ‘diaconie de la culture’ sur le ‘continent numérique’ aujourd’hui » en mettant en œuvre une « pastorale dans le monde numérique [5]. »
Plus qu’un moyen ou un instrument, l’espace « web » devient alors comme un espace considéré, en soi, comme la Cour des gentils du Temple de Jérusalem, dédié à ceux pour qui Dieu est encore un inconnu. Ainsi, à la suite de ces prédécesseurs, le Pape François fait sien cet appel à ne pas être frileux face aux médias, aux nouveaux réseaux, qui représentent aujourd’hui comme un « sixième continent » où la Parole de l’Évangile doit être proclamée. Partir aux « périphéries technologiques sophistiquées », c’est prier « le Seigneur de nous rende capables d’arriver jusqu’au cœur de l’homme, au-delà des barrières de la méfiance, et (demander) à la Madone de veiller sur nos pas de « pèlerins de la communication » (Pape François, le 20 octobre dernier).
P. Cédric BURGUN
[1] Cf. Le Monde du 24 juillet 2011.
[2] Lineamenta du Synode 2012, n°59.
[3] Jean-Paul II, Redemptoris Missio, 1991, n°37.
[4] Jean-Paul II, Lettre apostolique « Le Progrès rapide », 2005, n°2.
[5] Cf. Benoit XVI, Message pour la 44ème Journée Mondiale des Communications Sociales, 2010 : cette pastorale est appelée « à tenir compte aussi de ceux qui ne croient pas, sont découragés et ont dans le cœur des désirs d’absolu et de vérité immuable, puisque les nouveaux moyens permettent d’entrer en contact avec des croyants de toute religion, avec des non-croyants et des personnes appartenant à d’autres cultures. »