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Réussir sa vie

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 Dire oui à sa vie, c’est savoir créer du neuf avec les échecs et les limites, les joies et les souffrances. C’est vivre le présent d’une promesse qui engage l’avenir, et, si on est chrétien, lever le front et lutter avec le Christ pour qu'il y ait plus de justice et de paix sur la terre. La foi au Christ apporte une interprétation du monde, un engagement dans la société, une espérance invincible, une confiance au Dieu Père. C'est une expérience à vivre où l'on se sait aimé de toute éternité.
 
Digne d’être aimé
 
Thérèse de Lisieux a montré que nous sommes dignes d’être aimés malgré et à cause de nos blessures. Il est si facile de se haïr, écrivait Bernanos à la fin du Journal d’un curé de campagne : « Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ ».
 
Le chrétien n’est pas un héros, mais un être fragile qui se laisse vaincre par l’amour fou de Dieu. Il ne veut pas dominer, mais être nu devant l’amour désarmé et désarmant. À la suite du Christ, il renonce à la toute-puissance imaginaire pour s’ouvrir à la fragilité d’un amour qui se donne et pardonne, sans rien attendre en retour. Il communie à la fragilité d’un Dieu crucifié, parce qu’il n’est qu’amour. Rien de plus fort que ce Dieu fragile remis entre nos mains chaque matin, d’où cet appel du prêtre et romancier Jean Sulivan : « Ne liquidez pas trop vite vos blessures : elles peuvent, si vous en avez la grâce et le courage, donner naissance à des ailes ».
 
Réussir sa vie demande une certaine humilité. Être humble signifie accepter sa condition terrestre, travailler avec ses passions au lieu de les nier, être authentique en vivant simplement, avoir confiance en se réalisant, s’émerveiller de ce que Dieu fait en nous et dans les autres. En ce sens, réussir sa vie est une question d’accueil et d’amour, « pour que tous aient la vie » (Jean 10, 10). Cette attitude profonde du cœur ne peut mener qu’à la gratitude et à l’action de grâce.
 
Désirer aimer

Le dominicain Tauler (1300-1361), qui a beaucoup écrit sur l’étape du milieu de la vie, affirmait que l’on est rarement soi-même avant l’âge de cinquante ans. En vieillissant, on accapare moins les personnes, on les laisse plus libres. Nous acceptons mieux les dépouillements de notre moi égocentrique pour nous ouvrir aux besoins des autres. On passe de la mainmise au lâcher-prise, de la captation à l’oblation. Ce que nous pensions être des traits négatifs de notre tempérament, nous le voyons maintenant comme quelque chose de plus positif. L’amour devient l’exercice essentiel de notre vie.

Nous avons la liberté de choisir d’aimer, c’est-à-dire de donner, de recevoir, de servir. Il ne s’agit pas tant de faire des efforts pour aimer que de croire à l’amour et d’en faire le lieu conscient de notre désir. Aimer est un verbe d’action. C’est un choix, une décision, un risque qui ouvre la relation sur un horizon de désir. Ce risque se traduit par l’engagement, la responsabilité, la solidarité. On devient le gardien de notre relation avec l’autre. Aimer, c’est se désapproprier de soi pour deviner les besoins de l’autre; c’est révéler à l’autre sa beauté et se réjouir de sa présence. Tout un art que l’on apprend avec le temps. Servir les autres, les aimer en nous donnant, c’est faire de notre vie une oeuvre d’amour.

Désirer aimer, c’est réussir sa vie pleinement. C’est se laisser aimer et tout recevoir de la vie, de Dieu, comme une grâce. Jean Gabin le dit à sa manière, dans un très beau monologue de Jean-Loup Dabadie, Maintenant je sais. En voici un extrait : « Le jour où quelqu’un vous aime, il fait très beau / j’peux pas mieux dire : il fait très beau ! »
 
Pour aller plus loin, voir mon essai Les défis de la soixantaine.

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