En réaction au drame de Lampedusa, l’évêque de Gap et d’Embrun fait écho au maire de Lampedusa qui déplore le manque d’humanité des décideurs européens.
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« Il faudrait d’urgence réformer les modalités d’exercice du droit d’asile en Europe », déclare le maire de Lampedusa, Giusi Nicolini, confronté tous les jours au désespoir de milliers d’hommes et de femmes qui, poussés par la guerre et la faim, ont débarqué sur cette petite ile de Sicile, espérant trouver un monde meilleur sur le continent européen.
Après deux naufrages, qui ont fait près de 400 morts en dix jours, l’Europe ne peut plus faire semblant de ne pas voir ces milliers de migrants qui, au péril de leur vie, quittent des zones de conflit ou/et de disette. Ils deviennent des clandestins, sans statut, mais potentiellement des réfugiés.
D’après l’association Migreurop, plus de 16 000 migrants ont péri aux portes de l’Europe ces vingt dernières années -7 000 au large de Lampedusa d’après Frontex, l’agence européenne chargée de la sécurité aux frontières, qui déploie depuis 2005 ses navires, ses hélicoptères, ses avions, ses radars, depuis le détroit de Gibraltar jusqu’aux îles grecques pour « protéger l’Europe ».
La Commission européenne a promis une grande opération de « sécurité et de sauvetage » en Méditerranée : il y a une semaine, le Parlement a ainsi validé la mise en place, en décembre, d’Eurosur, le système de surveillance des frontières de l’UE. Mais, s’indignent plusieurs ONG, «cette politique sert plus à lutter contre l’immigration clandestine qu’à sauver des vies ». (Radio Vatican)
« Les règles actuelles donnent ce qui s’est passé
à Lampedusa. Il faut mourir ou risquer sa vie pour pouvoir demander l’asile. Cette tragédie a montré que c’est de cette manière que l’Europe a choisi de sélectionner les flux migratoires », dénonce le maire de Lampedusa.
Et d’ajouter : « Les lois migratoires sont inhumaines pour les personnes qui demandent notre aide … Si nous devons repousser les gens qui arrivent, nous devons avoir le courage de les regarder en face. À Lampedusa, nous regardons les gens en face. De Syrie, ne fuient que des familles. Je voudrais savoir quelle réponse on donne à ces parents qui cherchent à sauver leurs enfants? »
Le maire de Lampedusa est rejoint dans ses propos par Mgr Jean-Michel di Falco Leandri, évêque de Gap et d’Embrun, qui a fait de « ce manque d’humanité de notre humanité », le thème de sa dernière chronique vidéo, le vendredi 18 octobre, en réaction au drame de Lampedusa : « Les sans-papiers ont-ils une âme ? »
Voici la transcription de cette vidéo (cf. encadré ci-dessus)
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« Lorsque j’étais au séminaire en casuistique, domaine de théologie, qui traite les cas de conscience, nous faisions des études de cas. Et je me souviens de celui-ci : il s’agissait de dire si un moine avait le droit de quitter sa clôture en désobéissant donc à la règle de son ordre pour porter secours à une personne en danger se trouvant à l’extérieur de la dite clôture. Je sens que vous vous dites déjà, est-il vraiment nécessaire de se poser ce type de question stupide. Il semble évident que porter secours à une personne est plus important qu’une règle. Et bien figurez-vous que je suis d’accord avec vous.
Cependant ce qui pour nous est une évidence, ne l’était pas au regard de la loi française encore l’année dernière. En effet ce n’est que début 2013 que le délit d’aide au secours irrégulier d’un étranger, dit délit de solidarité, a été supprimé. Ainsi, ceux qui nourrissaient, hébergeaient, donnaient de l’argent ou même rechargeaient le portable d’une personne en situation irrégulière pouvaient être condamnés par la justice. Ce délit est d’ailleurs inscrit dans la loi de pays comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, l’Algérie ou encore le Maroc. Et certains textes prévoient l’immunité quand l’aide portée est humanitaire, d’autres considèrent cette aide comme un délit que si la personne ayant porté assistance en tirent une contrepartie.
Cependant ces exceptions sont suffisamment vagues pour que les citoyens de ces pays aient peur d’aider une personne dans l’irrégularité en toutes les circonstances. La catastrophe de Lampedusa nous amène à nous interroger sur l’humanité de notre humanité : les autorités et nous-mêmes parfois oublions que derrière le terme de « sans-papiers » se trouvent des hommes et des femmes. Et oui, le fait de ne pas avoir de papiers ne signifie pas ne pas être homme ou femme.
Alors mesdames et messieurs les décideurs européens sortez de votre clôture et faites avancer l’Europe vers plus d’humanité car pour l’instant, la seule action que nous voyons est celle illustrée dans un magazine étranger : deux policiers, sur fond de drapeau européen sont debout devant le corps d’un naufragé de Lampedusa : l’un dit à l’autre d’un air désespéré « il s’est noyé avant qu’on ait eu le temps de faire quelque chose pour le renvoyer chez lui ».
La fameuse phrase du général de Gaule semble dans ce cas précis plus que jamais d’actualité, je le cite : « Naturellement on peut sauter sur la chaise comme un cabri en criant l’Europe, l’Europe, l’Europe ! Mais ça ne mène à rien »
Les chroniques de Mgr Jean-Michel di Falco Léandri sont également diffusées toutes les semaines sur les ondes de RCF Alpes Provence et sur le site internet du journal Le Point, et tous les quinze jours sur KTO dans l’émission À la source.