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Quelles langues parlait Jésus ?

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La rédaction d'Aleteia - published on 16/10/13
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Jésus parlait généralement à la foule en araméen, la langue qui prévalait en Galilée ; il utilisait l’hébreu dans les lectures et dans les disputes bibliques et théologiques à la synagogue

Pour parler à ses disciples et aux gens ordinaires, Jésus recourait fréquemment au dialecte araméen galiléen, sa langue maternelle.

Né dans une famille juive de Galilée, Jésus a été élevé dans la religion juive et parlait habituellement en araméen, la langue sémitique utilisée par les juifs après l’exil de Babylone (586-538 av. JC). A cette époque l’araméen était une langue internationale, parlée par les divers peuples du Moyen-Orient. A la fois langue des savants et langue du peuple, elle était utilisée dans tous les pays sous domination babylonienne et avait fini par s’imposer aussi parmi les populations du Proche-Orient : Syrie, Israël, Samarie, Judée. Mais il est très probable que cet araméen était une version de l’araméen occidental propre à la Galilée, et différente par exemple de l’araméen pratiqué à Jérusalem. C’est d’ailleurs cela qui a trahi l’apôtre Pierre au moment où il a renié Jésus : « Sûrement, toi aussi, tu fais partie de ces gens-là ; d’ailleurs ton accent te trahit » (Mt 26,73).

Bien que le Nouveau Testament soit totalement écrit en grec, on y trouve ici et là des phrases prononcées par Jésus et conservées dans leur version originale. La raison vient probablement de ce que les auteurs sacrés cherchaient à rendre compte, le plus fidèlement possible, de l’attrait irrésistible que suscitaient les paroles de Jésus, de montrer leur puissance et l’impression qui s’en dégageait.

Un chercheur, Joachim Jeremias, en excluant noms propres et adjectifs, relève dans les Evangiles ou sources rabbiniques 26 mots prononcés en araméen par Jésus comme le mot abba’, « papa », dont il se sert pour parler à Dieu (Mc 14,36); ou bien comme dans la phrase du Notre Père « Pardonne-nous nos offenses », où le mot « offense », qui renvoie au mot « dette » (selon la traduction littérale), est présenté en grec sous le vocable « ofeilema », révélant clairement son substrat araméen, le mot « dette » (hoba’) signifiant aussi « péché » dans la langue maternelle de Jésus; mais encore Talitha koum, « Jeune fille, je te le dis, lève-toi! », adressé à la fille morte de Jaïre (Mc 5,41), le chef d’une synagogue; ou « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! », adressé à un sourd (Mc 7,34); jusqu’à une citation du Psaume 22, rapportant le cri lancé sur la croix: Éloï, Éloï, lama sabactani, « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15,34).

Mais nous avons encore du mal toutefois à reconstituer l’araméen parlé par Jésus. Sa comparaison avec celui qu’utilise aujourd’hui quelque village du sud de la Syrie, près de Damas, notamment à Maaloula, n’est qu’une hypothèse.

Jésus peut avoir utilisé en partie l’hébreu dans ses controverses théologiques avec les scribes et les pharisiens.

L’hébreu, après l’exil babylonien du Royaume de Judas (586 a.C.), a connu un formidable déclin jusqu’à se voir remplacé, dans l’usage commun, par l’araméen. Mais il a survécu comme langue écrite et liturgique. A la Synagogue, l’approfondissement des Ecritures était en effet confié aux targumìm, c’est-à-dire aux traductions paraphrasées de la Bible juive en langue araméenne.

Dans son ouvrage « Questions de foi », le cardinal Ravasi rappelle qu’au temps de Jésus « l’hébreu […] était une langue cultivée, utilisée dans les discussions exégétiques et théologiques, et par des groupes d’élites juifs rigoureux et plein de zèle, comme ceux de Qumran ». En feuilletant les évangiles, on constate en effet que Jésus est souvent décrit en train d’enseigner dans les synagogues, et que les scribes et les docteurs de la Loi s’adressent à Lui sous le titre de « rabbi », qui veut dire « maître ».

Le quatrième évangile fait état, à l’occasion de la fête des Tentes, de l’étonnement des juifs devant la culture religieuse de Jésus : « Comment cet homme connaît-il tant de choses sans avoir fait d’études ? » (Jn 7,15). L’auditoire s’émerveille de la connaissance théologique du Christ, qui n’a pourtant jamais fréquenté de grand « rabbi » ou d’école rabbinique. Jésus n’avait en effet probablement fréquenté que les écoles de synagogues pour apprendre la lecture des Ecritures.

Il avait par ailleurs une certaine connaissance du grec, répandu parmi les juifs et les peuples voisins après les conquêtes d’Alexandre le Grand de Macédoine.

A l’époque de Jésus, le grec, sous l’empire romain, était utilisé comme langue franche, un peu comme pour l’anglais aujourd’hui. En outre, depuis qu’Alexandre le Grand avait conquis la Palestine en 332 av. J-C, c’était une langue qui ne cessait de s’imposer, de s’étendre géographiquement. A ce propos le cardinal Ravasi, dans son ouvrage « Qui es-tu Seigneur ? », écrit que « les juifs mêmes, malgré la réaction des Maccabées, accrochés à la langue et aux traditions de leurs pères, furent peu à peu obligés de l’utiliser ». A Jérusalem, elle était utilisée par les classes supérieures surtout pour les transactions commerciales, et le peuple s’en servait uniquement pour communiquer avec les « gentils », c’est-à-dire les étrangers présents en Terre Sainte.

Dans son livre « Questions de foi », le cardinal Ravasi estime fort probable que Jésus utilisait lui aussi un peu de grec – langue qui sera ensuite adoptée par les Evangiles et par Paul pour une communication plus universelle – quand il avait des contacts avec des non juifs et, peut-être aussi, lors de son procès en dialoguant avec Pilate » (Matthieu 27,11-14; Jean 18,33-38). Comme le rappelle aussi Alan Millard dans son livre « L’archéologie et les évangiles », les gouverneurs romains parlaient certainement en grec durant leurs activités quotidiennes ». Et puis il y a l’évangile de Matthieu qui fait état d’une conversation sans interprète entre Jésus et un centurion romain (Matthieu 8,5-13), qui parlait presque certainement en grec. Sa connaissance du grec pouvait être due aussi aux contacts qu’il avait eus avec des juifs de la diaspora lors de leur visite à Jérusalem, comme en témoigne l’évangile de Jean (Jn 12,20) et l’Acte des Apôtres (Ac 6,1-15).

Selon des observations de John P. Meyer, dans le premier volume de son œuvre « Un juif marginal », « ni son activité de menuisier à Nazareth, ni son parcours en Galilée, circonscrit à des villes et villages entièrement juifs, n’aurait exigé de sa part une utilisation fluide et régulière de la langue grecque. Il n’y a donc aucune raison de penser que Jésus enseignait régulièrement en grec aux foules qui se réunissaient autour de lui ». Mais il est vrai aussi que sa prédication ne se limitait pas à la Galilée, à la Judée et à la Samarie. Celle-ci s’étendait jusqu’aux régions limitrophes de Tyr et Sidon, à travers la Phénicie et le territoire de la Décapole, des zones toutes fortement hellénisées. Souvenons-nous, à ce propos, de l’épisode rapportant la guérison de la fille d’une femme de nationalité syro-phénicienne, ou cananéenne, possédée par le démon (Mc 7,26-30).

Il n’y a par contre aucune raison de penser que Jésus savait le latin, une langue que n’employaient pratiquement que les forces d‘occupation romaines.

Dans la Palestine du Ier siècle, le latin était la langue utilisée par les fonctionnaires et les officiers romains en garnison à Césarée Maritime et dans les grands centres habités comme Jérusalem et Samarie. Mais c’était surtout la langue d’écriture officielle pour rédiger les documents impériaux. L’inscription accrochée sur la croix de Jésus, qui rapporte le motif de sa condamnation, en est la confirmation. Selon les propos rapportés par Jean, l’inscription était en effet en hébreu, latin et grec (« Jésus de Nazareth, roi des juifs »). On ne voit donc pas pourquoi Jésus aurait appris le latin.

 

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