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Peut-on justifier l’euthanasie ?

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La rédaction d'Aleteia - publié le 02/10/13
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Ni la compassion devant une grande souffrance, ni la volonté de mourir n’autorisent moralement le meurtre délibéré d’une personne en détresse.

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      Cette position est inséparable du refus de l’acharnement thérapeutique et de la nécessité d’accompagner les malades jusqu’au terme de leur existence.

L’Eglise accompagne de sa sollicitude les personnes souffrante en fin de vie. Elle « encourage les efforts de ceux qui œuvrent quotidiennement pour garantir que les malades incurables et en phase terminale, ainsi que leurs familles, reçoivent une assistance adaptée et pleine d’amour » (Message de Benoît XVI pour la 15ème journée mondiale du malade).

L’Eglise n’ignore pas que les demandes d’euthanasie couvrent des réalités complexes : de la part des malades, il s’agit essentiellement de la souffrance et de l’isolement. Du côté des familles, les demandes sont plus complexes : réaction à une demande du patient ; difficultés à voir souffrir un proche ; lassitude de la prise en charge, qui va jusqu’à influer sur la demande du patient, avec parfois des problèmes financiers. De la part des politiques, interviennent des problèmes économiques car le maintien en vie de certains malades coûte cher.

L’euthanasie est le meurtre délibéré d’une personne en détresse. Comprise comme « une action ou une omission qui, de soi et dans l’intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur » (Evangelium Vitae, 57), elle est clairement exclue par l’Eglise.

Il convient de bien définir ce qu’est l’euthanasie et ce qu’elle n’est pas. Elle est, dit Jean-Paul II, « une action ou une omission qui, de soi et dans l’intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur » (Evangelium Vitae, n°57).

En revanche, l’euthanasie n’est pas une mort accidentelle par surdosage analgésique, lorsque le médecin cherche à calmer la douleur et qu’il doit aller jusqu’à prendre des risques pour cela. Cette attitude permet d’éliminer la notion de « douleur insupportable » mise en avant par les propagandistes de l’euthanasie. Elle n’est pas non plus la mort liée à l’arrêt des « moyens extraordinaires » dont parlait Pie XII (c’est à dire le plus souvent la « réanimation »). Il n’est pas « humain » de prolonger une thérapeutique jugée sans espoir sur des arguments sérieux.

On fait parfois la distinction entre une euthanasie active, la mort résultant alors d’un acte positif (le plus souvent une injection létale) en vue de provoquer la mort, et une euthanasie passive, résultat d’une omission également destinée à provoquer la mort. L’Eglise ne retient pas cette distinction. Ce qui fait le mal inhérent à l’euthanasie, c’est d’abord l’intention de provoquer la mort. Que cette intention se manifeste ensuite par un acte positif ou par une omission n’a qu’une importance secondaire. Ce que confirme Jean-Paul II dans l’encyclique Evangelium Vitae : « la décision délibérée de priver un être humain innocent de sa vie est toujours mauvaise du point de vue moral et ne peut jamais être licite, ni comme fin, ni comme moyen en vue d’une fin bonne » (Evangelium Vitae, n°57).

Ceci n’empêche pas que certaines formes d’euthanasie soient plus ou moins graves que d’autres. Jean-Paul II distingue ainsi plusieurs degrés de gravité (Evangelium Vitae, n°66) :

La première forme d’euthanasie est celle qui résulte d’une « perversion de la pitié ». Dans ce cas, on supprime la vie du malade dans le but de lui épargner davantage de souffrance. Cependant, pour l’Eglise, « la vraie compassion rend solidaire de la douleur d’autrui, mais elle ne supprime pas celui dont on ne peut porter la souffrance ».

« Le choix de l’euthanasie devient encore plus grave lorsqu’il se définit comme un homicide que des tiers pratiquent sur une personne qui ne l’a aucunement demandé et qui n’y a jamais donné son consentement ».

Enfin, « on atteint le sommet de l’arbitraire et de l’injustice lorsque certaines personnes, médecins ou législateurs, s’arrogent le pouvoir de décider qui doit vivre et qui doit mourir ».

La « liberté de choix » du patient ne justifie pas l’euthanasie. Selon certains promoteurs de l’euthanasie, celle-ci pourrait se justifier par « le principe de l’autonomie du sujet qui aurait le droit de disposer de sa vie d’une manière absolue » (Académie pontificale pour la vie, Le respect de la dignité de la personne mourante, n°2). Pour refuser un tel droit, l’Eglise se fonde sur la valeur inaliénable et sacrée de toute vie humaine.

En vertu de ce principe, de même qu’il y aurait un « droit au suicide », il existerait également un « droit au suicide assisté ». L’Eglise ne reconnaît aucun de ces prétendus droits.

Cela a été rappelé à plusieurs reprises dans son enseignement : « Le suicide est aussi inacceptable que l’homicide : car il constitue de la part de l’homme un refus de la souveraineté de Dieu et de son dessein d’amour ; souvent aussi le suicide est refus d’amour envers soi-même, négation de l’aspiration naturelle vers la vie, abdication des obligations de justice et de charité envers les proches, de diverses communautés et du corps social tout entier bien que parfois – on le sait – interviennent des conditions psychologiques qui peuvent atténuer ou même supprimer la responsabilité » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’euthanasie, 1980).

Par ailleurs, « partager l’intention suicidaire d’une autre personne et l’aider à la réaliser, par ce qu’on appelle le « suicide assisté », signifie que l’on se fait collaborateur, et parfois soi-même acteur, d’une injustice qui ne peut jamais être justifiée, même si cela répond à une demande » (Jean Paul II, Evangelium Vitae, n°66).

Une telle doctrine se fonde sur la valeur inaliénable et sacrée de toute vie humaine. Absolument aucune circonstance ne peut lui faire perdre cette valeur. En effet, « la vie humaine est le fondement de tous les biens, la source et la condition nécessaire de toute activité humaine et de toute communion sociale » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration dur l’euthanasie, 1980). L’éthique étant par définition au service de la vie humaine, toute prétendue éthique qui prétendrait servir l’homme en détruisant sa vie relèverait en réalité d’une confusion grave.

La souffrance ne justifie pas le meurtre délibéré d’une personne. Selon certains promoteurs de l’euthanasie, la justification d’un tel acte reposerait sur « le caractère insupportable et inutile de la souffrance qui peut parfois accompagner la mort » (Académie pontificale pour la vie, Le respect de la dignité de la personne mourante, n°2). Pour l’Eglise, le caractère souvent atroce de la douleur appelle à des actes de compassion et de soulagement du malade, mais jamais à sa suppression.

L’Eglise a conscience que « la mort, souvent précédée ou accompagnée de souffrances atroces et d’une longueur épuisante, demeure naturellement angoissante » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’euthanasie, 1980).

Cependant, « selon la doctrine chrétienne, la douleur – surtout celle des derniers moments de la vie – a une place particulière dans le plan salvifique de Dieu ; elle est en effet participation à la passion du Christ et union au sacrifice rédempteur qu’il a offert dans l’obéissance au Père. Aussi ne faut il pas s’étonner que certains fidèles désirent modérer l’usage des analgésiques, de façon à assumer au moins une partie de leurs souffrances et à s’unir ainsi dans une conscience pleinement éveillée à celles de Jésus sur la Croix. Toutefois, il ne serait pas conforme à la prudence de vouloir faire d’une attitude héroïque une règle générale. Pour beaucoup de malades, la prudence humaine et chrétienne conseillera souvent l’emploi de moyens médicaux aptes à atténuer ou supprimer la souffrance, même si les effets secondaires en sont la torpeur ou une moindre lucidité » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’euthanasie, 1980).

Les soins palliatifs, axés essentiellement sur l’analgésie, les soins de confort et l’accompagnement, sont souvent la meilleure réponse à la demande d’euthanasie du malade souffrant et en fin de vie. On observe souvent un changement d’attitude des patients réclamant l’euthanasie, dès lors qu’il n’ont plus mal, qu’ils reçoivent des soins adaptés, et qu’ils ne sont plus seuls. La question du soulagement de la douleur est traitée dans l’article relatif aux soins palliatifs. 

Par ailleurs, les souffrances morales jouent un rôle important dans les demandes d’euthanasie. « Le malade qui se sent entouré d’une présence affectueuse, humaine et chrétienne, ne tombe pas dans la dépression et dans l’angoisse comme celui qui, au contraire, se sentant abandonné à son destin de souffrance et de mort, demande à en finir avec la vie. C’est pourquoi l’euthanasie est une défaite pour qui la théorise, la décide et la pratique » (Charte des personnels de la santé, n°149). C’est pourquoi l’Eglise encourage l’éclosion de lieux où les personnes en fin de vies peuvent être aimée et accompagnées.

Par ailleurs, le malade en fin de vie passe souvent par plusieurs états psychologiques dont les premiers sont les plus dépressifs et les derniers les plus pacifiés. Euthanasier la personne peut donc l’empêcher d’accéder aux phases plus positives qui précèdent la mort.

C’est un droit de refuser certaines thérapies. Pour l’Eglise, « chacun a le devoir de se soigner ou de se faire soigner » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’euthanasie, 1980). Mais on ne contrevient pas à ce devoir en refusant des moyens thérapeutiques extraordinaires.

Est-on tenu d’employer tous les moyens thérapeutiques existants en vue de la guérison ?

A cette question, l’Eglise répond traditionnellement que l’on n’est jamais obligé d’employer les moyens « extraordinaires » (Charte des personnels de la santé, n°149).

Il est vrai que la diversité et la complexité des techniques médicales, ainsi que l’incertitude toujours présente rendent difficile la tâche de distinguer les techniques ordinaires de celles qui sont extraordinaires.

C’est pourquoi il est précisé qu’on appréciera les moyens «en mettant en rapport le genre de thérapeutique à utiliser, son degré de complexité ou de risque, son coût, les possibilités de son emploi, avec le résultat qu’on peut en attendre, compte tenu de l’état du malade et de ses ressources physiques et morales ».

Pour faciliter l’application de ces principes généraux, la Congrégation pour la doctrine de la foi a apporté les précisions suivantes :

« – S’il n’y a pas d’autres remèdes suffisants, il est permis de recourir, avec l’accord du malade, aux moyens que procure la technique médicale la plus avancée, même s’ils en sont encore au stade expérimental et ne vont pas sans quelque risque (…).

– Il est aussi permis d’interrompre l’application de ces moyens lorsque les résultats en sont décevants (…).

– Il est toujours permis de se contenter des moyens normaux que la médecine peut offrir. On ne peut donc imposer à personne l’obligation de recourir à une technique déjà en usage, mais encore risquée ou très onéreuse. Son refus n’équivaut pas à un suicide ; il y a là plutôt acceptation de la condition humaine, souci d’épargner la mise en œuvre d’un dispositif médical disproportionné aux résultats que l’on peut attendre, enfin volonté de ne pas imposer des charges trop lourdes à la famille ou à la collectivité.

– Dans l’imminence d’une mort inévitable malgré les moyens employés, il est permis en conscience de prendre la décision de renoncer à des traitements qui ne procureraient qu’un sursis précaire et pénible, sans interrompre pourtant les soins normaux dus au malade en pareil cas(…) » (Charte des personnels de la santé, n°149). Il faut noter ici que l’hydratation et l’alimentation entrent dans les soins normaux toujours dus au malade.

Il faut distinguer de l’euthanasie la décision de renoncer à ce qu’on appelle l’« acharnement thérapeutique », c’est-à-dire à certaines interventions médicales qui ne conviennent plus à la situation réelle du malade, parce qu’elles sont désormais disproportionnées par rapport aux résultats que l’on pourrait espérer ou encore parce qu’elles sont trop lourdes pour lui et pour sa famille.

Il y a des situations, lorsque la mort s’annonce imminente et inévitable, dans lesquelles on peut en conscience « renoncer à des traitements qui ne procureraient qu’un sursis précaire et pénible de la vie, sans interrompre pourtant les soins normaux dus au malade en pareil cas ».

« Le refus de l’acharnement thérapeutique n’est pas un refus du patient et de sa vie. En effet, l’objet de la délibération sur l’opportunité de commencer ou de poursuivre une pratique thérapeutique, n’est pas la valeur de la vie du patient, mais la valeur de l’intervention médicale sur le patient… Le refus de l’acharnement thérapeutique est donc une expression du respect que l’on doit à tout moment au patient » (Discours de Jean-Paul II au XIX° congrès international du Conseil Pontifical pour la pastorale des services de la santé, le 12 novembre 2004, § 4).

La personne hospitalisée perd souvent contact avec sa famille. Elle est soumise à une sorte d’acharnement technologique qui porte atteinte à sa dignité. L’éventuelle décision de ne pas entreprendre ou d’interrompre une thérapie sera considérée comme éthiquement correcte si elle apparaît inefficace ou clairement disproportionnée par rapport à l’objectif de défendre la vie ou de recouvrer la santé.

C’est pourquoi, l’Eglise, en défendant le caractère sacré de la vie également chez les mourants, n’obéit à aucune forme d’absolutisation de la vie physique, mais enseigne à respecter la véritable dignité de la personne, qui est créature de Dieu et aide à accepter de façon sereine la mort, lorsque les forces physiques ne peuvent plus être soutenues.

« De là découle une ligne de conduite morale envers le malade grave et les mourants qui est contraire, d’une part, à l’euthanasie et au suicide et, d’autre part, aux formes «d’acharnement thérapeutique» qui ne représentent pas un réel soutien à la vie et à la dignité des mourants » (Discours de Jean-Paul II à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale pour la Vie, 27 février 1999, §4).

POUR CONCLURE

L’Eglise ne sous-estime pas la difficulté de la médecine à réduire les souffrances des malades et accompagner la difficulté des familles : « L’Eglise, suivant l’exemple du Bon Samaritain, a toujours fait preuve d’une sollicitude particulière pour les malades. A travers chacun de ses membres et ses institutions, elle continue d’être aux côtés de ceux qui souffrent et qui vont mourir, cherchant à préserver leur dignité en ces moments significatifs de l’existence humaine… Je demande à la communauté ecclésiale du monde entier, et en particulier à ceux qui se consacrent au service des malades, de continuer … à rendre un témoignage concret de la sollicitude aimante de Dieu, notre Père » (Message de Benoît XVI pour la 15ème journée mondiale du malade).

En même temps, l’Eglise dénonce les terribles violations qui sont faites au « droit à la vie » et donc, indirectement à la paix elle-même. Elle parle des « morts silencieuses provoquées … par l’euthanasie. Comment ne pas voir en tout cela un attentat à la paix ? » C’est en effet, explique Benoît XVI, une « négation directe de l’attitude d’accueil envers l’autre, qui est indispensable pour instaurer des relations de paix durables » (Benoît XVI, Message pour la paix du 1 janvier 2007 – § 5).

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