Après les propos du pape François aux prêtres de Rome, Vatican Insider s’interroge sur les possibilités d’évolution de la pastorale des divorcés-remariés.
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« Notre devoir est de trouver une autre voie, dans la justice » pour ceux qui, après l’échec d’un premier mariage, concluent de secondes noces, a déclaré le pape François le 16 septembre en recevant le clergé de Rome à Saint-Jean de Latran. Et d’ajouter : « Cette question ne peut se réduire seulement à la question de savoir s’il est possible ou non de communier... Ceux qui posent le problème seulement en ces termes ne comprennent pas quel est le vrai problème ! C’est un grave problème qui créé des responsabilités pour l’Eglise à l’égard des familles qui vivent dans cette situation ».
La question des divorcés-remariés, la nullité du mariage, et des secondes noces pour les divorcés, sont des thèmes que le pape François souhaite approfondir, dans le sillage de son prédécesseur, Benoît XVI, qui les avait à cœur : « Nous devons dire aux divorcés remariés que l’Eglise les aime, ils doivent sentir que nous faisons de tout pour les aider », avait dit ce dernier à la fête des témoignages de la grande fête des familles, au parce de Bresso, près de Milan, en juin 2012.
Comme Benoît XVI, le pape François souhaite que l’Eglise agisse en amont, fasse de la prévention, et il le dit dans sa récente interview à cœur ouvert, aux revues jésuites de 16 pays d’Europe et d’Amérique Latine, réalisée par le P. Antonio Spadaro, jésuite italien :
« Nous devons donc trouver un nouvel équilibre, autrement l’édifice moral de l’Église risque lui aussi de s’écrouler comme un château de cartes, de perdre la fraîcheur et le parfum de l’Évangile. L’annonce évangélique doit être plus simple, profonde, irradiante. C’est à partir de cette annonce que viennent ensuite les conséquences morales.»
L’annonce au clergé de Rome que « le groupe des huit cardinaux » chargé de l’aider dans les réformes de la Curie, parlera de tout ça, a fait le tour de la planète, suscitant un vif intérêt et de nombreux commentaires.
Mais peut attendre du pape une admission aux sacrements des divorcés remariés ? Giacomo Galeazzi, journaliste à La Stampa, a posé la question à l’historienne italienne Lucetta Scaraffia, éditorialiste à l’Osservatore Romano, diffusée vendredi 20 septembre, en italien sur le site Vatican Insider.
Voici la traduction de cette interview :
Giacomo Galeazzi
Q: Pardon aux femmes qui avortent, accueil des homosexuels et des nouvelles unions : ce pontificat est-il en train de changer l’Eglise?
Lucetta Scaraffia : « Le pape François fait la distinction entre le péché et le pécheur. Il déclare que les homosexuels ne sont pas inférieurs aux autres ni différents : le choix de comment vivre son homosexualité fait partie du mystère de chaque personne. Cette approche est la même que celle qu’il a envers les femmes qui interrompent volontairement leur grossesse et envers les nouvelles unions. Il fait la distinction entre «la condamnation » du péché et le sentiment de « miséricorde » à l’égard du pécheur : son christianisme n’est pas du puritanisme rigide sans cœur. Il efface tout moralisme rigide et insensible. Les médecins positivistes considéraient les homosexuels comme des personnes malades, alors que l’Eglise les a toujours considérés comme des êtres humains ».
Q: D’où vient le « style » de François?
« De la profonde conscience que chaque être humain a sa spécificité. D’un bagage d’expériences humaines qui, aujourd’hui, éclairent son pontificat, réchauffent chacun de ses discours et lui donnent ce ton de vérité qui fait comprendre et aimer ses paroles. Chaque personne a son histoire, une histoire différente. C’est la raison pour laquelle François téléphone à la maison : il s’adresse non pas en général, à tous les fidèles, mais à un seul fidèle dans son unicité. La conduite du pape n’est ni une question d’idéologie, ni une question de règles: il observe et comprend ce qui se passe dans le monde. Sur les divorcés remariés, le tournant se fera à partir d’un changement culturel qui saura expliquer le sacrement du mariage aux femmes et aux hommes de notre temps. L’Eglise ne saurait être une dispensatrice rigide de jugements, elle doit toujours être prêtre à accueillir les pécheurs, c’est-à-dire tout le monde. La miséricorde est le signe distinctif du chrétien, qui signifie « accueil » du pécheur et « pardon »
».
Q: Quel accueil ?
« Son accueil est celui de l’Evangile. Si les mariages religieux diminuent autant, et si ceux qui ont lieu n’ont souvent aucune valeur, c’est parce que trop souvent l’Eglise tient des propos erronés, vieillots, rigides et stériles pour expliquer l’institution d’où nait la vie. François ouvre en grand les portes de l’Eglise, pour tout le monde, à commencer pour ceux qui désormais constituent une partie considérable de la société. Le pape François a déjà indiqué un modèle de comportement possible qui ne contredise pas l’indissolubilité du mariage, c’est-à-dire l’accompagnement de l’Eglise orthodoxe aux secondes noces. Tous ces problèmes et ces situations sont ceux et celles que le père Bergoglio, prêtre et évêque, rencontrait sur son chemin dans les rues de Buenos Aires, lors de ses rencontres avec des hommes et des femmes ordinaires, qui lui ouvraient leur cœur avec espoir et sincérité ».*
* Note : L’historienne fait allusion aux propos du pape devant le clergé romain : «Le véritable problème est celui de la communion pour les personnes qui se sont remariées – car les divorcés peuvent communier mais ils ne le peuvent plus en secondes noces. Il faut repenser toute la pastorale matrimoniale car nous avons un problème sur la communion. Les orthodoxes ont une pratique différente. Ils permettent une seconde possibilité pour un couple qui peut se refaire. …». Cependant, le pape avait insisté sur le fait que l’accueil et l’accompagnement des divorcés-remariés doit s’exercer dans la vérité : « Toujours dire la vérité », sachant que « la vérité ne s’épuise pas dans une définition dogmatique » mais s’insère « dans l’amour et dans la plénitude de Dieu ».
Le Pape avait déjà évoqué cette question devant les journalistes dans l’avion de Rio à Rome : « Par rapport à la question des divorcés remariés (de pouvoir communier), le Pape a précisé qu’il « fallait regarder cela dans la totalité de la pastorale du mariage. » Il a ajouté : « Entre parenthèses, les orthodoxes ont une pratique différente. Ils suivent ce qu’ils appellent la théologie de l’économie et offrent une deuxième possibilité. Je crois que ce problème doit être étudié dans le cadre de la pastorale du mariage. L’un des thèmes sur lesquels je consulterai le conseil des huit cardinaux, du 1er au 3 octobre, sera de voir comment avancer en termes de pastorale matrimoniale ».
Après avoir indiqué que le prochain synode des évêques devrait traiter de la pastorale du mariage, le pape a précisé : « On se marie sans maturité, sans s’apercevoir que c’est pour toute la vie ou parce que, socialement, l’on doit se marier. Cela entre dans la pastorale du mariage, comme le problème judiciaire de la nullité des mariages.» (Radio Vatican ).
Rappelons l’enseignement du pape Benoît XVI dans l’exhortation apostolique post-synodale « Sacramentum Caritatis » : « Si l’Eucharistie exprime le caractère irréversible de l’amour de Dieu pour son Église dans le Christ, on comprend pourquoi elle implique, en relation au sacrement de mariage, l’indissolubilité à laquelle tout véritable amour ne peut qu’aspirer » explique Benoît XVI (Sacramentum Caritatis 29).
Reconnaissant que le divorce suivi d’une nouvelle union pose « un problème pastoral épineux et complexe (…) qui touche de manière croissante les milieux catholiques eux-mêmes», le Pape Benoît XVI demande aux pasteurs de « bien discerner les diverses situations, pour aider spirituellement de la façon la plus appropriée les fidèles concernés ». Mais, ajoute-t-il, « Le Synode des Évêques a confirmé la pratique de l’Église, fondée sur la Sainte Écriture (cf. Mc 10, 2-12), de ne pas admettre aux sacrements les divorcés remariés, parce que leur état et leur condition de vie contredisent objectivement l’union d’amour entre le Christ et l’Église, qui est signifiée et mise en œuvre dans l’Eucharistie ».
A l’évidence, l’Eglise ne pourra reconsidérer le « problème pastoral épineux et complexe » (Benoît XVI) des divorcés-remariés que « dans la vérité », « dans la justice » (pape François), et l’entière fidélité à l’enseignement du Christ sur l’indissolubilité du mariage.
Pour en savoir plus, lire sur le site du Saint-Siège l’intégralité de l’exhortation apostolique post-synodale « Sacramentum Caritatis » et sur Aleteia : « Pourquoi les divorcés remariés n’ont-ils pas accès à la communion ? »