Sur la foi, l’absolu, la laïcité, “le temps est venu désormais d’un dialogue ouvert et sans préjugés ” dit le Pape à son interlocuteur.
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« Avec ma proximité fraternelle, François » : c’est ainsi que, tout simplement, le pape François a signé la lettre qu’il a envoyée à Eugenio Scalfari, fondateur du quotidien La Repubblica.
Une lettre ouverte qui est, en fait, une réponse à des questions que l’éditorialiste lui avait posées sur la foi et la laïcité, questions venant d’une personne qui est « athée et ne cherche pas Dieu » même si « je suis depuis des années intéressé et fasciné par la prédication de Jésus de Nazareth, fils de Marie et Joseph, juif de la lignée de David » (La Repubblica, 7 juillet et 7 août).
Le même Scalfari qui rappelait dans les colonnes de son journal les termes des questions posées au souverain pontife, jugeant « scandaleusement fascinante » la lettre du pape François, le journaliste ne s’attendant pas à ce qu’il répondît « aussi longuement et dans un esprit aussi affectueusement fraternel). Peut-être parce que, souligne Scalfari, « la brebis égarée mérite-t-elle une plus grande attention et un plus grand soin ? » (La Repubblica, 11 septembre).
« Le temps est venu désormais, et le Concile Vatican II a ouvert cette période, d’instaurer un dialogue ouvert et sans préjugés, qui rouvre les portes pour une rencontre sérieuse et féconde ».
C’est dans cet esprit que le pape François a répondu à l’incroyant Scalfari, soulignant deux circonstances qui rendent aujourd’hui plus que jamais nécessaire et précieux ce dialogue : le paradoxe selon lequel, durant des siècles de culture moderne, la foi chrétienne, « dont la nouveauté et l’incidence sur la vie de l’homme se sont exprimées à travers le symbole de la lumière », a été souvent accusée de représenter « l’obscurantisme de la superstition qui s'oppose à la lumière de la raison ». D’où l’incommunicabilité entre Eglise et culture d’inspiration chrétienne d’une part, et culture moderne marquée par les Lumières, de l’autre.
La seconde circonstance, pour le Pape, découle du fait que, pour celui qui croit en Jésus, « ce dialogue n’est pas un accessoire secondaire de l’existence du croyant : il en est, au contraire, l’expression intime et indispensable ».
Place aux réponses qui, dans l’attente de commentaires mieux structurés, ont reçu déjà une grande attention de la part des médias. «Vous me demandez si le Dieu des chrétiens ( Corriere.it 11 septembre) pardonne ceux qui ne croient pas et ne cherchent pas la foi… Pour ceux qui ne croient pas en Dieu, la question est d’obéir à sa conscience. Le péché, y compris pour celui qui n'a pas la foi, est d’aller contre sa conscience ».
Le Pape reprend la même idée au début de l’article de IlSecoloXIX.it (11 septembre) : « Ecouter sa conscience et lui obéir », explique Bergoglio, signifie « prendre une décision face à ce qui est perçu comme bien ou mal. Et c’est sur cette décision que se joue la bonté ou la méchanceté de notre action ».
Autre thème clé proposé par Scalfari : savoir si c’est un péché de croire qu’il n’existe aucun absolu, donc pas même une vérité absolue, mais seulement des vérités relatives et subjectives. A cette question, François répond: « Tout d’abord, je ne parlerai pas, pas même pour celui qui croit, de vérité ‘absolue’, en ce sens que ‘absolu » est ce qui est délié, détaché, autrement dit sans aucune relation. Or, la vérité, selon la foi chrétienne, est l’amour de Dieu pour nous en Jésus-Christ. Donc, la vérité est une relation ! Cela est si vrai que chacun d’entre nous également la saisit, la vérité, et l’exprime à partir de soi: de son histoire et de sa culture, de la situation dans laquelle il vit etc. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle serait un élément variable et subjectif, bien au contraire. Mais qu’elle se donne à nous toujours et seulement comme un chemin et une vie » (Vatican Insider, 11 septembre).
Jésus n’a-t-il pas dit lui-même, ajoute le pape François, « Je suis la Voie, Je suis la Vérité, la Vie » ? Autrement dit, explique le souverain pontife « la vérité ne faisant en définitive qu’un avec l’amour, requiert l’humilité et l’ouverture pour être recherchée, accueillie et exprimée. Il faut donc bien s’entendre sur les termes et, probablement, pour sortir de l’impasse d’une opposition… absolue, réexaminer en profondeur la question. Je pense que ceci est absolument indispensable pour engager ce dialogue serein et constructif que j’appelais de mes vœux au début de ma lettre ».
A la dernière question, savoir si avec la disparition de l’homme sur la terre, disparaîtra également « la pensée capable de penser Dieu », François répond que Dieu « n’est pas une idée, si haute soit-elle, fruit de la pensée de l’homme. Il poursuit « Dieu ne dépend donc pas de notre pensée. D’ailleurs, quand la vie finira, l’homme ne terminera pas son existence, et non plus, d’une manière que nous ignorons, l’univers créé par Lui » (IlSecoloXIX.it, 11 septembre).
Le Pape revient sur l’importance de l’historicité des Evangiles et de la divinité de Jésus qui se révèle paradoxalement sur le Calvaire où Jésus manifeste que « Dieu est amour » et veut, de tout son être, que l’homme se découvre et vive comme son fils bien-aimé. Ainsi la Résurrection n’est pas le « triomphe sur ceux qui l’ont rejeté », mais la preuve que « l'amour de Dieu est plus fort que la mort, le pardon de Dieu plus fort que tous les péchés ».
Le pivot de la foi chrétienne, explique le pape François, est l’incarnation du Fils de Dieu, et la foi naît de la rencontre avec le Christ. En même temps, explique le Pape à Scalfari : « Sans l’Eglise, croyez-moi, je n’aurais pu rencontrer Jésus, bien conscient toutefois que ce don immense qu’est la foi est gardé dans les vases d’argile fragiles de notre humanité ». Et c’est à partir de « cette expérience personnelle de foi vécue en Eglise, que je me sens à l’aise en écoutant vos questions et en cherchant avec vous les chemins le long desquels nous pouvons, peut-être, commencer à faire un bout de route ensemble » (Vatican Insider, 11 septembre).
A en juger par les innombrables post et tweet qui circulent sur le Réseau en ce moment, ils sont nombreux, laïcs ou athées, à avoir apprécié la disponibilité au dialogue du Pape François et à vouloir faire un « bout de chemin avec lui ».