La solitude que peuvent ressentir bien des prêtres de campagne en Europe est une question posée à toute l’Eglise, notamment aux laïcs
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La vie d’un prêtre a toujours comporté une forme de solitude.Mais aujourd’hui, avec des églises de campagne quasiment vides et froides, sa figure décriée et ridiculisée dans les médias, une opinion publique indifférente ou défavorable, et la crise des vocations, un prêtre se sent souvent plus que seul:abandonné.
N’est-il pas temps pour nous laïcs de comprendre que la vocation –et la sainteté– des prêtres est aussi notre affaire ?
Don Juan est le curé de vingt patelins des Pyrénées espagnoles. Chaque matin, quand il sort du presbytère, il ne voit pas âme qui vive dans la rue; le dimanche, on compte à peine trois paroissiens pour plusieurs églises. Catéchèses et activités proposées n’intéressent pas: « C’est un peu comme nager à contre-courant pour finalement s’apercevoir qu’on est seul à nager », confie-t-il à Aleteia. « Humainement parlant, il est clair que le prêtre est parfois tenté par la tristesse, le découragement. »
« Le sacerdoce n’est pas comme le mariage, avec la relation entre mari et femme et une famille ouverte au monde, ni comme la vie religieuse qui est une vie d’abord communautaire», explique le secrétaire de la Commission épiscopale de la conférence des évêques espagnols, Santiago Bohigues.
A cela s’ajoutent « les multiples formes d’isolement que génère la société moderne dans laquelle le bruit et le stress poussent à une vie accélérée mais sans racines, à une frénésie qui entrave des relations personnelles saines et profondes » fait observer à Aleteia l’archevêque de Oviedo, Mgr Jesús Sanz. En ce sens, « la solitude est une pathologie qui nous isole de Dieu comme des autres, et aussi de nous-mêmes ».
Mais au-delà de la solitude –choisie- de l’homme qui se livre aujourd’hui totalement au Christ et au service des autres, beaucoup de prêtres souffrent d’une forme d’isolement, d’abandon. Des évêques, comme Mgr Oviedo, déplorent « le mépris dans lequel sont parfois tenus les prêtres au sein de la société, où on est passé d’une période où le prêtre était considéré avec respect et vénération, à une étape dans laquelle il ne compte pas, et l’Eglise en général et le curé en particulier sont à exclure. »
Le sécularisme et la manipulation conduisent parfois à l’indifférence et à l’hostilité envers les prêtres. Ainsi les cas d’abus sexuels par certains prêtres ont provoqué souvent des attaques et une méfiance disproportionnées à leur égard, si on compare les 400 cas de condamnation recensés par la Congrégation pour la doctrine de la foi en 2011 avec les 20.000 cas impliquant des professeurs depuis un demi-siècle rien qu’aux Etats-Unis.
Même dans l’Eglise, une certaine désaffection envers le prêtre
Jusque dans les communautés chrétiennes, « on n’a pas assez conscience que le prêtre est une personne qui est présence du Seigneur, mais aussi qui a besoin de sollicitude », constate Santiago Bohigues. « Parfois, nous ne méditons pas assez sur l’humanité des prêtres. Mais pensons qu’à travers cette humanité du prêtre, avec ses qualités et ses limites, le Christ va nous sanctifier ».
Chez les prêtres eux-mêmes, pratiquer l’idéal de fraternité et vivre en communion n’est pas toujours chose facile. « Chacun mène sa vie, chacun est plongé dans ses problèmes, dans son monde », regrette don Juan.
Les causes et conséquences
« C’est parce que nous –y compris les prêtres- n’avons pas été créés pour la solitude, mais à l’image du Créateur, qui n’est pas solitude mais communion de trois Personnes, que notre cœur ne s’y résigne pas », explique l’évêque d’Oviedo.
« Lorsque la solitude existe de fait, ce n’est pas parce que nous serions inoccupés, mais c’est que nous sommes “surbookés
” », poursuit-il, « et c’est alors que trois démons nous harcèleront : le pouvoir, la luxure et l’argent ».
Selon Mgr Sanz, la solitude ne finit pas toujours en dépression, mais le plus souvent « elle trouve de façon indue et injuste une alternative: l’argent et son avarice, la luxure et son chantage, le pouvoir et son stress. De cela aussi, la vie consacrée et sacerdotale n’est pas à l’abri ».
Les remèdes pour prévenir ou guérir
D’abord le travail de prévention pour expliquer certains défis qui attendent le prêtre, ensuite l’accompagnement personnel, sans oublier la prière et le témoignage d’une vie de communion.
Pour lutter contre cette solitude, l’archevêque d’Oviedo juge essentiel de veiller aux « nutriments » de toute histoire de relation. « Si je n’y prends pas garde, si je ne nourris pas ma relation avec Dieu comme prêtre, je vais me sentir abandonné de Lui ». Et il ajoute : « La solitude coïncide avec le fait de négliger ce qui nourrit une compagnie que permet une relation amoureuse et d’amitié ».
Contre la solitude plus physique, le préfet de la Congrégation pour le clergé, Mgr Mauro Piacenza, conseillait certaines formes de fraternité sacerdotale, dans un discours aux évêques espagnols le 28 mai dernier. En fait, il existe dans certains pays quelques expériences de fraternités ou communautés de ce type dans des zones où plusieurs prêtres vivent en communauté et desservent un groupe de paroisses.
Pour Mgr Sanz, les diagnostics et solutions pour prévenir ou guérir la solitude sont très variables.
« La compagnie nécessaire du Seigneur, des frères (compagnons de presbytères, de communauté, membres de la famille ou amis), représente pour nous tous, quel que soit notre chemin vers la sainteté, cette aide qui nous est offerte pour ressembler au Dieu Amour. »
Et il conclut : « Selon que nous nourrirons ou négligerons cette compagnie et cette ressemblance, nous réussirons ou nous échouerons dans cette aventure unique et passionnante qu’est la vie. C’est pour cela que nous avons été créés. Pour cela que nous sommes frères. Pour cela que nous avons été envoyés. Dieu ne nous a pas créés solitaires. Nous sommes sa meilleure icône dans l’amitié et dans l’amour »