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Est-ce que le Diable existe réellement ?

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P. Alain Bandelier - publié le 12/04/13
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Et si oui, quelles sont les réponses de l’Eglise à son action ?

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La question surgit, inévitablement. Attention aux réponses simplistes, un « oui » ou un « non » qui n’acceptent pas la discussion.
À ma connaissance il y a au moins trois « Diables »…

Le Diable imaginaire : c’est l’alibi commode pour expliquer l’inexplicable et pour mettre sur le compte d’un autre mes déboires, mes échecs, mes déceptions. « Il y a quelqu’un qui me veut du mal et qui m’a ensorcelé. » Les exorcistes entendent souvent cet autodiagnostic.

Je ne dis pas que la sorcellerie n’existe pas (voir plus loin). Mais il faut commencer par reconnaître que la vie est dure, que les épreuves existent, et qu’il vaut mieux se battre que de s’installer dans le statut de victime.

Le Diable symbolique : c’est la personnification du Mal auquel tout homme est confronté, aussi bien dans le monde que dans son propre cœur. Pour beaucoup de gens, y compris pour des prêtres, le Satan dont parle la Bible et auquel Jésus lui-même est confronté ne serait qu’une façon de parler, une mise en scène. Qu’il y ait dans la représentation des forces du mal une part symbolique, je le reconnais volontiers.

D’ailleurs l’imagerie habituelle (le feu, le dragon, les cornes, les griffes etc.)  relève du symbole et même du mythe.
Il serait naïf de les prendre au pied de la lettre.
Mais le Mal se réduit-il à la simple addition des maux qui nous tourmentent ? La puissance du Mal qui se déploie dans l’histoire et ce qu’on pourrait appeler son orchestration peuvent me permettre d’en douter.

Le Diable réel : on peut discuter de l’interprétation des faits, mais il serait intellectuellement malhonnête de nier les faits.

Les faits sont là. La sorcellerie existe et elle est efficace : on fait appel aux « esprits » et ils répondent. Le satanisme existe et il est efficace.
Certes il faut y mettre le prix, et les démons font payer cher leur assistance.
Il y a des « pactes » plus ou moins solennels dont il est très difficile de se libérer et des rites qui ne sont pas seulement folkloriques (messes noires autour du blasphème, messes rouges autour du sacrifice d’animaux, voire d’immolations d’enfants). Il y a aussi les expériences vécues par les saints ou les mystiques : le curé d’Ars voir son lit prendre feu tout seul, ou entend des coups violents frappés à sa porte, sans qu’il y ait trace de pas dans la neige ; un évêque venu prier près de Marthe Robin voit sur son cou la trace d’une strangulation par une main invisible…

Le Diable dans les récits de l’Évangile : Jésus de Nazareth est confronté dès le départ et jusqu’à la fin à celui qu’il appelle « l’Ennemi », celui qui sème de l’ivraie dans le champ de blé
(Matthieu 13,28). Satan prétend que le monde lui appartient, ce que Jésus confirme en l’appelant
le Prince de ce monde (Jean 12,31). Mais il ajoute qu’il va le jeter dehors (
Exo, en grec). Dans le débat avec ses adversaires de Jérusalem, il les accuse d’être les fils du Diable (autrement dit
engeance de serpents comme disait Jean-Baptiste) dont il fait le portrait :
Vous êtes du diable, votre père,et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir.

Il était tueur d’homme dès le commencement et n’était pas établi dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge,  il parle de son propre fonds, parce qu’il est menteur et père du mensonge (Jean 8,44).

Le Diable dans la pratique de l’Église : il y a peu d’enseignements du Magistère sur ce sujet (voir cependant une synthèse dans le
Catéchisme de l’Église Catholique n° 391-395). C’est surtout dans l’expérience des saints et dans la liturgie de l’Église que l’on constate la réalité d’un combat proprement spirituel :
Revêtez l’armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manoeuvres du diable.

Car ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes… Ayez toujours en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais (Éphésiens 6,11-17). L’existence de prières de libération et d’exorcisme atteste que les disciples du Christ ont toujours eu conscience d’être confrontés à un monde de ténèbres, irréductible à un ensemble de troubles physiologiques et/ou psychologiques (la contre-épreuve vérifiable est que la prière de l’exorcisme est sans effet sur une personne malade, et qu’inversement les médicaments sont sans effet sur un possédé).

Et alors quelle est l’action du Diable ?

Il ne faut pas voir le Diable partout : vous allez vous en rendre malade ! Il ne faut pas non plus le voir nulle part : vous risquez d’être un précieux idiot utile.

Ce sont d’ailleurs ses deux « tactiques » : tantôt il se manifeste à travers diverses « diableries » pour épater la galerie, fasciner les âmes sensibles, capter l’attention des adolescents en mal de sensations fortes ou de conduites
borderline ; tantôt il se dissimule pour mieux développer ses stratégies de conquête.

L’action diabolique ordinaire, universelle, permanente : la tentation.

Alors que tout le monde ou presque veut vivre une vie belle, droite, positive, alors que nous rêvons de bâtir un monde de paix et d’amour, nous avons trop souvent l’idée ou l’envie de faire exactement le contraire.
Au plan collectif, on a vu des populations entières tomber dans des abîmes de haine et de destruction.
La tentation peut venir directement du Satan, comme une injonction intérieure et violente.
Mais habituellement il agit indirectement : extérieurement à travers les multiples séductions du monde, intérieurement à travers nos passions désordonnées.

L’action diabolique spécifique occasionnelle : l’infestation (des lieux ou des objets) et l’attaque (des personnes). Ces phénomènes se multiplient aujourd’hui parce que les gens n’ont plus la foi et sont devenus incapables de gérer leur stress.

Alors ils ont recours à d’innombrables « sauveurs » : gourous, voyants, mages, médiums, marabouts, chamans, sorciers, envoûteurs et désenvoûteurs, transmetteurs d’énergies etc.
Chaque fois il se produit, qu’on le sache ou non, qu’on le veuille ou non, une ouverture à des influences occultes sans nom et sans visage.
Cela vide le portefeuille et remplit l’âme de présences étrangères qui ne tarderont pas à se manifester.

L’action diabolique spécifique exceptionnelle : la possession.

Il y a beaucoup plus d’infestations qu’on ne le croit et beaucoup moins de possessions qu’on ne l’imagine. Dans les cas de possession, le Satan ou l’un de ses mauvais anges a acquis une emprise sur la personne.
Il peut agir directement sur son corps (mouvements incontrôlés, force inhabituelle, cris, paroles – parfois avec une autre voix que celle de la personne), sur sa sensibilité, sur son esprit.
En revanche l’esprit du Mal n’a jamais accès au profond du cœur de la personne ni à ses pensées intimes.
Dieu seul peut toucher le fond de l’âme, pour l’éclairer, la consoler, l’appeler, lui révéler sa présence et son amour.
Les causes possibles d’une possession satanique sont diverses.
Il y a évidemment les pactes avec Satan qui se pratiquent dans les sectes sataniques ou autres – mais qui parfois sont conclus secrètement par la personne.
Même quand c’est « pour rire » cela peut se terminer dans les larmes ! Il y a aussi des consécrations à Satan ou à des divinités païennes (cela revient au même, car les dieux en fait n’existent pas) qui ont été faites sur la personne (souvent dans la petite enfance, voire avant la naissance). Quelqu’un qui vit dans un péché grave de façon prolongée, entêtée, sans repentir peut à la longue se faire « avoir » par le mauvais Ange, trop heureux de trouver un complice.

Plus étrange, il y a des cas où la possession ne semble pas avoir de cause historique, mais résulte d’un acharnement du Mauvais pour empêcher une personne de répondre à l’appel de Dieu.
Si Dieu le permet, c’est que cette situation douloureuse (qui ne se prolonge pas indéfiniment) peut avoir un fruit de purification et de maturation pour la personne et par sa patience et son offrande un fruit de rédemption pour le monde.

 


Quelles sont les réponses de l’Église à l’action du Diable ?

Réponse à la tentation qu’on n’a pas repoussée : le pardon sacramentel.

Quand on tombe dans le piège de la tentation, la réponse à cette connivence avec le mal (plus ou moins grave) est d’une simplicité désarmante : il suffit de se repentir sincèrement et d’aller se confesser auprès d’un prêtre ; le pardon du Christ permet de retrouver joie de vivre et liberté intérieure. Une vie décentrée de soi-même, une ouverture résolue du cœur à Dieu et aux autres ne supprime pas les tentations, mais rend moins sensible à la fascination du mal.
De même la confession régulière aide à reconnaître la tentation quand elle se présente et à y résister.

Réponse aux infestations et compromissions : la prière de délivrance. Il faut que la personne rompe radicalement et explicitement (de préférence devant témoin) le lien qu’elle a contracté et qu’elle se repente du péché d’idolâtrie qu’elle a commis.

Quand le lien est puissant, il faut en outre qu’elle demande une prière de libération, en s’adressant à un prêtre catholique ou à un groupe de prière où des gens expérimentés peuvent l’accueillir et prier avec elle.

Réponse aux cas de possession : le grand exorcisme.

Il s’agit d’une prière spécifique qui dans l’Église latine est réservée aux évêques et aux prêtres mandatés par leur évêque pour cette mission : les exorcistes.
Le rituel n’a rien de théâtral ou de grandiloquent.
En revanche il est exécuté avec autorité, non parce que l’exorciste aurait un « pouvoir » particulier, mais parce qu’il s’appuie sur la mission reçue de l’Église et sur la promesse du Christ à ses témoins :
en mon Nom, ils chasseront les démons (Marc 16,17). Le cœur de ce rituel est d’une part une supplication qui s’adresse à Dieu, d’autre part une injonction qui s’adresse à l’Ennemi. Il faut parfois renouveler plusieurs fois l’exorcisme, et mener un combat difficile, jusqu’à ce que l’Ennemi, souffrant trop d’être confronté à la Gloire de Dieu et à l’Amour du Christ, quitte la place.

 

·      Alain Bandelier, prêtre du diocèse de Meaux et responsable du Foyer de Charité de Combs-la-Ville, anime de nombreuses retraites et collabore notamment à l’hebdomadaire Famille Chrétienne

 

 
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