Ayant reconnu qu’il n’est pas agrégé de philosophie et qu’il a commis des plagiats, le Grand Rabbin s’est mis “en congé”
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Dans une interview sur Radio Shalom le 9 avril 2013, ici et ici, le Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, a confessé son mensonge concernant l’agrégation de philosophie, et les plagiats dont il était accusé dans la presse depuis plusieurs jours.
Après avoir exclu de démissionner, il a finalement annoncé sa mise "en congé" avec effet immédiat à l'issue d'un conseil exceptionnel tenu à Paris, le 11 avril, annonce Le Monde.
L’affaire a commencé le 7 mars 2013, lorsque sur le blog Strass de la Philosophie, Pierre Girardey, un professeur agrégé, publie un « test de paternité » de l’ouvrage 40 méditations juives écrit par Gilles Bernheim (éd. Stock, 2011). Il y révèle, dans la méditation n°26, une ressemblance troublante avec une réponse du philosophe Jean-François Lyotard, décédé en 1998, à Élisabeth Weber, publiée dans l’ouvrage Devant la loi (éd. Desclée de Brouwer, 1996).
Alors que la presse commence à relayer l’accusation de plagiat, la première réaction du Grand Rabbin de France est de nier. Dans un communiqué officiel du 20 mars 2013, le Grand Rabbinat de France affirme que pour certaines de ses méditations, Gilles Bernheim se serait inspiré d’anciens enseignements qu’il donnait dans les années 1980, et pour lesquels il remettait ses notes à ses étudiants. Le communiqué accusait ainsi, implicitement, Jean-François Lyotard d’avoir plagié Gilles Bernheim, plutôt que l’inverse.
Alerté par l’affaire, l’universitaire Jean-Noël Darde, auteur du blog Archéologie du « copier-coller », qui s’est spécialisé dans l’identification des plagiats, enquête et découvre que de nombreux passages du livre en question plagient d’autres auteurs. Gilles Bernheim fait alors publier, le 2 avril, une nouvelle déclaration, dans laquelle il change de version, et met en cause un étudiant peu scrupuleux à qui il confesse avoir confié la rédaction de son ouvrage. Il se déclare trompé par l’étudiant en question, mais avoue également avoir caché à son éditeur le recours à un « nègre » et, concernant son mensonge dans le communiqué officiel, avoir eu une réaction « émotionnelle, précipitée et maladroite » sous le coup des premières accusations.
Trois jours plus tard, le 5 avril, l’Express met en cause son titre d’Agrégé de Philosophie. Après enquête sur les listes de l’université française, le journal annonce n’avoir retrouvé aucune mention de Gilles Bernheim. C’est alors une véritable chasse à l’homme qui est engagée par la presse contre le Grand Rabbin de France, et ses soutiens dans la communauté juive dénoncent une entreprise de lynchage public.
Le lundi 8 avril, Jean-Noël Darde fait de nouvelles révélations explosives. Cette fois, c’est pour son essai « Mariage homosexuel, homosexualité et adoption : ce que l’on oublie souvent de dire », publié au moment des auditions sur le projet de loi dit du « mariage pour tous », que Gilles Bernheim aurait eu recours au plagiat. Trois pages complètes de l’ouvrage du Père Joseph-Marie Verlinde, L'Idéologie du Gender – Identité reçue ou choisie (éd. Le livre ouvert, 2012) sont ainsi recopiées et appropriées mot pour mot par le Grand Rabbin ; y compris des citations d’auteurs comme Fabrice Hadjadj, dont les références ont été retirées dans la version Bernheim. De même, une interview de Béatrice Bourges, catholique et présidente du collectif pour l’enfant, qui bénéficie toutefois d’une mention de son nom dans les remerciements de l’auteur à la fin de l’essai.
On se souvient alors que Benoit XVI avait fait référence à cet essai en termes élogieux, dans son discours de présentation des vœux de Noël à la Curie Romaine, le 21 décembre 2012, commentant ce texte dans une longue partie de son discours : « Le Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, dans un traité soigneusement documenté et profondément touchant, a montré … ». Le Père Verlinde, quant à lui, interrogé par Le Figaro, a commenté l’événement avec bienveillance et simplicité : « Il est vrai qu'une simple note, un renvoi, une allusion m'eût été agréable ; mais foin de vanité ! L'important n'est-il pas que le message soit diffusé?».
Alors que l’université confirme n’avoir aucune trace de Gilles Bernheim sur ses listes de reçus à l’agrégation de philosophie, fleurissent les appels à la démission du Grand Rabbin en même temps que les comités de soutien.
Mardi 9 avril, peu de temps avant l’intervention de Gilles Bernheim à la radio, le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France publie sur son site un communiqué de son président, Richard Prasquier, redisant son amitié, et sa confiance à Gilles Bernheim quant à sa charge, mais précisant : « C'est au nom même de ces principes, que j'attends, que nous attendons tous, une explication claire et complète. J'imagine la tourmente dans laquelle il vit, mais il doit cette explication à la communauté juive, frappée derrière lui, et plus largement à la communauté nationale dans laquelle sa place est importante et que parcourt actuellement un mouvement de rejet des élites aux suites potentiellement désastreuses. Il la doit à sa famille et surtout à lui-même ».
Le même jour, à la radio, le Grand Rabbin de France reconnaissait les faits. Concernant le mensonge sur son agrégation de philosophie, se défend en évoquant un grave accident de la vie qui l’a obligé à renoncer à l’agrégation, puis la faiblesse d’avoir « laissé dire », profitant de cette reconnaissance comme d’un pansement sur la blessure passée.
A la question de sa démission, Gilles Bernheim répond toutefois qu’il l’exclut, pour plusieurs raisons : pour commencer, ce serait une désertion, selon lui. Il affirme également qu’une démission volontaire serait un acte d’orgueil, et qu’il doit faire preuve maintenant de la plus grande humilité. Surtout il indique que ce serait contraire à la collégialité qui préside au Consistoire central israélite, qui arbitrera le cas jeudi 11 avril à midi.
Le mercredi 10 avril, un ultime plagiat du Grand Rabbin était révélé, dans un livre entretien avec le Cardinal Barbarin : Le Cardinal et le Rabbin, entretien de Gilles Bernheim et Philippe Barbarin (éd. Stock, 2008, prix Spiritualités d’Aujourd’hui 2008). Jean Nehoray et Benoît Hamon, sur le site Theoria, mettent en cause « la conversation libre et chaleureuse de deux individus qui s’expriment ici en leur propre nom et à leur propre risque » annoncée par l’éditeur, et accusent le Grand Rabbin d’avoir trompé le Cardinal.
Un passage de Vladimir Jankélévitch, dans l’ouvrage Quelque part dans l’inachevé, « Le vagabond humour », dialogue avec Béatrice Berlowitz (éd. Gallimard, 1978) définissant l’humour, est repris mot pour mot par Gilles Bernheim, en remplaçant juste le mot « humour » par « Messie » ! Et Benoit Hamon d’ironiser : « qu’il suffise de transformer le mot “humour” par l’expression de la venue du messie, voilà qui nous informe bien du sérieux des entretiens de G. Bernheim. On peut penser que tous les lecteurs de Gilles Bernheim n’apprécieront pas ce type d’humour ».