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Pourquoi les identités homme/femme aujourd’hui remises en cause ?

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Michel Boyancé - publié le 09/03/13
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Les avancées scientifiques créent un flou dans les frontières homme/animal et naturel/artificiel…

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Il y a une réelle difficulté à définir exactement ce qu’est l’homme. La sexualité n’est plus considérée comme liée à la procréation responsable mais au désir subjectif de chacun dans des identités variées et indéterminées.  Les avancées scientifiques créent un flou dans les frontières homme/animal et naturel/artificiel. De ce fait, on tend à ne plus savoir très bien ce qu’est l’homme et la femme au nom de leur égalité et on s’appuie pour cela sur une nouvelle notion le “genre”.

Une crise des droits de l’homme et de la dignité de la personne sexuée ?

Apparemment simple pendant des siècles et n’ayant pas été une préoccupation majeure, la question de l’identité homme/femme devient depuis quelques années une thèse débattue autour du concept de genre. Cette question ne peut être traitée sous l’angle unique de la foi catholique mais également sous celui de la raison philosophique car ce débat concerne l’être humain dans son humanité propre et l’avenir des sociétés contemporaines.

Nous traversons une crise profonde des droits de l’homme pour plusieurs raisons.
Il semble qu’il ne puisse plus être saisi et défini. Par ailleurs, la sexualité n’est plus considérée comme liée à la procréation responsable mais au désir subjectif de chacun. Enfin, les avancées scientifiques créent, semble-t-il, un flou dans les frontières homme/animal et naturel/artificiel.
L’identité homme/femme semble une notion dépassée pour un certain courant féministe qui voit dans cette distinction une domination masculine cachée, et donc qui la considère comme potentiellement dangereuse pour les femmes.

Nos sociétés démocratiques aspirent effectivement à l’égalité et à la liberté. Or, en matière d’égalité, on ne sait plus aujourd’hui si la justice est l’absence de différence (on est égaux parce qu’identiques) ou si, au contraire, c’est d’accepter toutes les différences à égalité les unes les autres. Ce paradoxe fondateur et au cœur des questions soulevées par le concept de genre.

En matière de liberté, on est passé en outre d’une société qui ne remettait pas en question  certains fondamentaux, dont la différence homme/femme, à une société où le droit et la science ouvrent des perspectives radicalement nouvelles en pouvant organiser les relations sociales de manière purement artificielle, libérées de toute contrainte naturelle. Les biotechnologies (PMA par exemple) viennent ainsi, non pas compenser une déficience de la nature, mais bien la remplacer.

La loi tend à officialiser ce remplacement en posant que tous les individus ont droit à ces techniques. Cela donne l’idée que nous sommes à un moment de l’évolution où il faut repenser l’humain en dehors de tout fondement autre que ceux de liberté et d’égalité fondés sur les désirs individuels. Les sciences humaines et sociales modernes semblent confirmer cette évolution.

Quels sont les différents sens du mot genre ?

Est apparue dans le champ des sciences humaines (dans les années 1950-1960) la distinction entre le sexe (anatomique) et le genre (« gender » aux sens anglais classique grammatical, puis psychologique et social). On a étudié les cas de naissance d’enfants intersexués (anomalie de la différenciation sexuelle anatomique) ou les cas de personnes transsexuelles (difficultés psychologiques de certaines personnes à se reconnaître dans leur sexe anatomique). La médecine et la psychologie ont ainsi déterminé que le genre pouvait ne pas coïncider avec le sexe.

Cette notion de genre a encore évolué pour donner lieu (dans les années 1970-1980) à une discipline à part entière : les études de genre (gender studies), fondées sur l’étude des représentations sociales et psychiques du sexe. On a de ce fait mis en avant que pour être homme ou femme, il faut, non seulement avoir un sexe biologique, mais aussi et surtout se sentir, se comprendre et se vouloir homme ou femme.

Ces gender studies ne posent pas de questions essentielles si elles ne servent pas d’autres fins et si elles restent dans la méthodologie propre aux sciences sociales : il s’agit de décrire comment les êtres humains s’identifient sexuellement. On comprend à travers elles que le sexe biologique n’est pas la seule réalité de la sexualité humaine. Il faut le distinguer du sexe sociologique ou psychologique. Le genre désigne dans ce sens la représentation sociale et psychique du sexe biologique.

Les études de genre sont ainsi dans leur ordre propre tout à fait légitimes et pertinentes. Nous verrons en quoi elles décrivent bien une réalité importante de la personne humaine, sans parvenir à la définir.

Ces études ont cependant été utilisées par certains pour élaborer une théorie philosophique. Depuis peu (dans les années 1990-2000), le concept de queer (traduit par étrange, surprenant, désignait en fait les comportements sexuels marginaux de manière insultante) est employé pour aller au-delà du genre (queer theory). Pour ces philosophies radicales (notamment celle de Judith Butler), l’identité sexuelle ne se rattache définitivement plus au biologique et à l’ordre hétérosexuel dominant, mais est une pure création sociale et psychologique. Il convient alors, pour dépasser les inégalités et les contraintes de la nature (ici assimilée au biologique), de revendiquer une création libre des identités sexuelles.

La distinction et la complémentarité des sexes féminin-masculin n’est plus fondatrice de l’identité humaine. Toutes les orientations et les identités se valent : bi, homo, hétéro, trans, inter, mixtes, etc. Les identités sont libres et tous les désirs se valent. On rompt de ce fait définitivement avec le sexe biologique, qui n’a rien à nous dire en tant que tel, pour construire librement et à égalité des identités de genre. Le droit tend à entériner cela au nom de la non-discrimination des orientations et des identités.

Des identités masculin-féminin à redécouvrir ?

Le sexe et le genre sont deux réalités qu’on ne peut pas nier. L’un dit la réalité biologique et l’autre la réalité psychologique et sociale. Sans enfermer l’homme et la femme dans des schémas scientistes (mécanismes de la sexualité reproductrice), le biologique a cependant bien un rôle dans l’identité homme/femme à l’inverse de ce que pose les théories philosophiques du genre et du queer où le biologique n’a plus aucun sens. On ne peut penser l’être humain en dehors de toute réalité biologique, en particulier en ce qui concerne la filiation. Si l’on définit les relations homme/femme selon des notions absolues d’égalité et de liberté, l’enfant, lui, est passé sous silence ou devient un simple objet de désir.

Les relations homme/femme nécessitent bien une compréhension particulière. Dans une philosophie de la personne intégrant toutes ses dimensions, le concept de genre renvoie non au queer, mais bien à la liberté de la personne humaine, qui, contrairement aux animaux, n’est pas entièrement soumis aux purs déterminismes biologiques.

Il y a bien une part d’acquis culturel et social dans la représentation que l’on se fait du masculin et du féminin. Le risque de donner au mot genre le sens du queer, est de faire disparaître les différences homme-femme. S’il y a égalité au sens de non différence, il n’y a plus besoin de se comprendre, et de fait on ne se comprend plus. Enfin, force est de constater que seuls l’écoute et le dialogue dans l’amour, par la vie morale et spirituelle, permettent de comprendre ces différences et de les vivre sans domination ni emprise des désirs non régulés.

L’évidence première de l’expérience humaine montre que le corps de la personne, donné dans la génération, est sexué. Cependant, la personne est complexe. Il y a en elle le registre de la vie du corps (sexe biologique, objet de la science biologique), de la vie affective et symbolique (genre au sens psychologique et social, objet des sciences humaines et sociales), et de la vie morale et spirituelle (objet de la philosophie et de la Foi). Cette dernière est la plus oubliée aujourd’hui et permet d’unifier les deux premiers registres dans la recherche de l’amour.

En conclusion, ces différences homme/femme ne sont donc pas dépassées mais sont simplement à redécouvrir.

Cette question de l’identité sexuelle mise en lumière par le concept de genre n’est donc pas anodine. Elle se trouve bien au cœur des relations sociales à venir dans la compréhension que l’homme, homme et femme, a de lui-même.

Par Michel Boyancé, doyen de la Faculté Libre de Philosophie et de Psychologie (Paris)

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