Réponse du cardinal Jean-Louis Tauran, ancien président du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux
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Entretien d’Aleteia avec le cardinal Jean-Louis Tauran, Bibliothécaire et archiviste du Saint-Siège, lorsqu’il était Président du Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux:
Aleteia : Musulmans et chrétiens peuvent-ils prier ensemble ?
Cardinal Jean-Louis Tauran : Non, on ne peut pas prier ensemble car, cela serait alors du syncrétisme. Non, chacun a son expérience de Dieu et chacun va vers Dieu selon ses convictions. Ce que nous pouvons faire, et que nous faisons très souvent quand il y a des réunions avec les musulmans, c’est être en silence, chacun prie en silence, le silence devient prière. C’est ce que nous ferons à Assise. Chacun doit être fidèle à sa foi, pratiquer sa religion, mais en respectant la spécificité de chaque religion. Donc, en un certain sens, la pratique du dialogue interreligieux pousse le croyant à confesser sa propre foi, ce qui est, en ce sens, très positif.
Quel est l’esprit du dialogue interreligieux avec l’islam?
Le dialogue suppose avant tout « affirmer sa propre foi », c’est-à-dire avoir un profil spirituel bien déterminé car on ne peut dialoguer sur l’ambigüité. Je dirais que, pour le dialogue interreligieux, la première chose à faire, pour les deux parties, est d’avoir une idée claire de ce que renferme sa propre religion. Après quoi, on cherche à comprendre l’autre, à le connaître, à comprendre quelles sont ses aspirations légitimes, et on cherche à voir ce que nous pouvons faire ensembles, nous croyants, pour le bien commun de la société, car le dialogue interreligieux n’est pas un bien à consommer pour soi, il est pour la société. Et là, naturellement, surgit le problème des conjonctures politiques avec cette particularité que dans l’islam, il n’y a pas de distinction entre le « politique » et le « religieux », entre le « temporel » et « le religieux ». Cela ne fait donc aucun doute, par exemple, que la non résolution du problème israélo-palestinien reste toujours une difficulté. Mais ce que nous devons faire, je pense, c’est cultiver l’amitié, car sans ce minimum d’humanité, de bonté, de désir mutuel à connaître l’autre, on ne peut avancer.
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Quelle réponse chrétienne à l’islam grandissant ?
On a réussi à éviter le clash des civilisations, moi je dis maintenant que l’on doit éviter le clash des ignorances, car toutes ces réactions sont très souvent dues à l’ignorance. Par exemple, lorsque je fais des conférences, je sens très souvent que les gens, en Europe, ont peur de l’Islam. Or, la plupart de ces personnes n’ont jamais parlé avec un musulman, ni même jamais ouvert le Coran. Et c’est la même chose pour les musulmans. Nous devons faire cela. C’est un peu comme le mariage… Il doit y avoir une sorte « d’apprivoisement » comme on dit en français, faire l’effort de se connaître, de se regarder.
Que pense l’Église de l’intégration des musulmans en Occident?
Il y a deux manières, certains peuvent souligner l’aspect négatif et dire « ces gens viennent troubler l’équilibre de notre société », ou bien l’aspect positif, et dire c’est « un enrichissement ». Par exemple, je pense que c’est une bonne chose qu’un musulman qui vient en Europe puisse avoir une connaissance directe du chrétien. Il peut aller dans une église et ouvrir la Bible, ce qu’il ne peut pas faire chez lui. Donc je dirais que l’on doit aider ces personnes à s’intégrer et, avec eux, conduire ce dialogue de la vie, ces contacts humains, culturels, dans le travail aussi, de manière à ce que tous comprennent que nous ne pouvons être heureux les uns sans les autres et certainement, jamais les uns contre les autres.
Quelle est l’attitude de Benoît XVI vis-à-vis de l’islam?
Benoît XVI est peut-être le pape qui a le plus parlé sur l’islam. Récemment encore, à Berlin, il a fait une très belle intervention.. et à la fin a dit aux musulmans qu’à Assise il y aurait cette rencontre ; qu’avec cette réunion, nous voulons montrer avec simplicité que des hommes religieux peuvent offrir à la société une contribution pour la paix, le dialogue et la cohabitation. Donc les religions sont porteuses de paix, non de guerres. C’est un message que nous devons jamais cesser de répéter. Naturellement avec l’islam la difficulté est qu’il s’agit d’une réalité qui n’est pas homogène mais hétérogène dans la mesure où il existe différentes manières de pratiquer l’islam, par exemple au Moyen Orient ou en Indonésie. Mais le dialogue est fait pour cela, pour se connaitre.
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